Publié le 17 avril 2024
Cette découverte est parue dans Astronomy & Astrophysics Letters, ce 16 avril 2024, sous la conduite de chercheurs CNRS à l’Observatoire de Paris – PSL.
Des trous noirs « dormants » quasiment impossibles à détecter
Les trous noirs d’origine stellaire résultent de l’effondrement des étoiles massives en fin de vie.
Des modèles théoriques prédisent que notre galaxie, la Voie lactée, pourrait en contenir une centaine de millions ! Mais, jusqu’à présent, seule une vingtaine a pu être observée.
En grande majorité, ils ont été détectés dans des systèmes binaires grâce aux rayonnements X émis par la perte de matière d'une « étoile compagnon » : celle-ci est effectivement aspirée par le trou noir autour duquel elle orbite.
Mais lorsqu’un trou noir n’a pas d’étoile suffisamment proche pour lui arracher de la matière, il n’émet aucun rayonnement : c'est ce que l'on appelle les trous noirs « dormants », extrêmement difficiles à détecter.
Gaia, l'arpenteur du ciel... et l'œil de la Galaxie !
Surnommé « l'arpenteur du ciel », le satellite de l'ESA Gaia n'a jamais aussi bien porté son nom : grâce à son inlassable travail de recherche depuis maintenant 10 ans, il a pu recueillir un grand nombre de données astrométriques et spectroscopiques. L'idéal pour débusquer ces trous noirs dormants, grâce aux mesures des perturbations du mouvement qu'ils font subir à leur étoile.
En 2023, les informations publiées dans le troisième catalogue Gaia (Gaia DR3) ont ainsi permis de découvrir, au sein de notre Galaxie, les deux premiers trous noirs dormants, baptisés Gaia BH1 et Gaia BH2.
Gaia BH3 : une première découverte pour le 4ème catalogue Gaia (DR4)
Alors qu'ils travaillaient sur le traitement des données destinées à la publication du quatrième catalogue Gaia, DR4, prévue fin 2025 au plus tôt, les scientifiques du consortium ont mis au jour un nouveau système binaire, abritant un trou noir dormant. Baptisé Gaia BH3, il est situé dans la constellation de l'Aigle, à presque 2 000 années-lumière de la Terre.
La masse de cet objet est exceptionnelle, estimée à près de 33 fois celle de notre Soleil, et rend la découverte particulièrement remarquable. A titre de comparaison, les trous noirs d'origine stellaire déjà connus dans notre Galaxie ont une masse équivalente ou inférieure à 10 masses solaires.
Parmi la population des trous noirs stellaires connue à ce jour au sein de notre Galaxie, BH3 est le seul à avoir une masse comparable à celle de trous noirs détectés dans des galaxies lointaines via les ondes gravitationnelles. En outre, sa masse est plus grande que ce que prédisent la plupart des modèles d’évolution stellaire.
↑ Evoluant à une distance éloignée du cœur du trou noir Gaia BH3 (minuscule ellipse rouge), l'étoile compagnon met 11,6 ans à faire un tour complet. La représentation ci-dessus est une comparaison entre la vitesse radiale de l'étoile mesurée par Gaia (points noirs) et par les spectrographes au sol HERMES, UVES et SOPHIE (points colorés), et la vitesse radiale prédite par l'orbite (en bleu).
Version animée des graphiques : Orbite et vitesse radiale de l’étoile compagnon de Gaia BH3 (youtube.com)
Une découverte primordiale pour expliquer la formation des trous noirs
La détection de Gaia BH3 confirme, pour la première fois, l'hypothèse avancée selon laquelle les trous noirs de grande masse, observés via les ondes gravitationnelles en dehors de la Galaxie, ont été produits par l'effondrement gravitationnel d'étoiles massives pauvres en éléments lourds.
Effectivement, la caractérisation de l'étoile compagnon qui orbite autour du trou noir de Gaia BH3 a permis d'établir qu'il s'agit d'une vieille étoile du halo stellaire galactique, très pauvre en éléments plus lourds que l'hydrogène et l'hélium. Les auteurs de l'étude en déduisent que le progéniteur de ce trou noir de grande masse était une étoile massive, elle aussi très pauvre en éléments lourds.
Le rôle de la France dans la découverte du trou noir BH3
Ce nouveau résultat est le fruit du travail du consortium DPAC (Data Processing and Analysis Consortium) en charge du traitement et de l'analyse des données du satellite Gaia de l'ESA et qui comprend environ 450 ingénieurs et chercheurs européens. Dans ce dispositif, la France a joué un rôle prépondérant avec une centaine de chercheurs et ingénieurs du CNRS, des observatoires et des universités, et du CNES.
En particulier, le traitement des binaires astrométriques et des données spectroscopiques de Gaia, à la base de la découverte de ce trou noir stellaire exceptionnel, sont sous la responsabilité d'ingénieurs CNRS à l'Observatoire de Paris - PSL, au sein du Laboratoire Galaxies, Etoiles, Physique et Instrumentation - GEPI (Observatoire de Paris – PSL/CNRS) et effectué sur le cluster de calcul dédié à GAIA au CNES.
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En savoir plus sur la mission Gaia
Cartographier en 3D plus d’un milliard d’objets de notre galaxie avec une précision inégalée, tel est l'ambitieux objectif de la sonde Gaia lancée en décembre 2013 par l'Agence Spatiale Européenne (ESA). A la clé, la compréhension des mécanismes de formation des galaxies.
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