Alsace - Mulhouse : une ancienne ville industrielle en mutation

Le territoire et les paysages de Mulhouse ont été profondément marqués par son industrialisation précoce au XIXe siècle. Longtemps considérée comme le Manchester français, son organisation spatiale porte les héritages de son passé industriel mais aussi de sa désindustrialisation depuis les années 1970 : les contrastes socio-spatiaux sont au cœur des enjeux mulhousiens. Seconde agglomération d’Alsace en population, elle cherche à retrouver une attractivité économique et à se forger une identité métropolitaine depuis les années 1990, stratégie contrainte et freinée par l’influence des métropoles strasbourgeoise et bâloise.

 

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Ci-contre, la même image satelitte Pleiades, présente quelques repères géographiques cette l'agglomération située dans le Nord -Est de la France, près des frontières suisse et allemande .

 

 

 

 

Présentation de l’image globale

Mulhouse : une ancienne ville industrielle en mutation

Une agglomération structurant le sud de la Plaine d’Alsace

L’agglomération mulhousienne est la seconde d’Alsace, concentrant plus de 110 000 habitants pour la ville-centre et plus de 280 000 habitants pour sa communauté d’agglomération (dite M2A, pour Mulhouse Alsace Agglomération). L’image couvre une très grande partie de la communauté d’agglomération : seules les communes périurbaines rhénanes ne sont pas visibles ici.

Elle s’étend du piémont du massif des Vosges à l’ouest à la forêt de la Hardt à l’est et des collines du Sundgau au sud à l’ouverture de la plaine d’Alsace au nord. Située en frontière de la Suisse (sud-est, mais hors image) et de l’Allemagne (est, mais hors image), cette ville industrielle s’est développée au carrefour de la plaine d’Alsace qui ouvre vers Strasbourg au nord, de l’axe Rhin-Rhône à l’ouest et de l’espace sud-rhénan vers Bâle et la Suisse au sud. On peut facilement identifier quatre ensembles sur cette image.

- Mulhouse qui polarise l’ensemble du territoire et se caractérise par son étalement urbain au centre de l’image.

- Deux périphéries marquées par leurs fonctions économiques industrielles : les communes du Bassin potassique au nord-ouest qui constitue un territoire industriel et minier en reconversion (onze communes, dont Wittelsheim et Wittenheim); l’Ile Napoléon et l’implantation du groupe PSA à l’est de l’image, au croisement de l’A35 et de l’A 36,

- Une périphérie attractive et résidentielle : l’espace périurbain multipolarisé au sud de l’image, constitué de villes et villages sous influence de Mulhouse et de Bâle.

Des fonctions métropolitaines au rayonnement limité

S’il est difficile de qualifier Mulhouse de métropole, l’agglomération dispose de fonctions de commandement culturelles incarnées par son université de Haute Alsace, implantée sur deux campus (Illberg, La Fonderie) et ses centres de recherches. Elle bénéficie de plusieurs équipements culturels qui permettent à la ville de se présenter comme un espace touristique et de loisir : une salle de spectacle d’envergure (La Filature), de nombreux musées (du chemin de fer, de l’électricité, la Cité de l’auto) et son parc zoologique (qui accueille plus de 400 000 visiteurs chaque année).

Mulhouse accueille également de multiples zones d’activité. Dans les quartiers centraux comme dans le quartier Gare - qui se veut le nouveau quartier d’affaires - ou dans le quartier de la Fonderie, espace dédié à l’économie numérique. Mais aussi dans les quartiers périphériques comme la zone franche du Parc des collines à l’ouest de la ville ou l’Ile Napoléon avec le site du groupe Peugeot SA (PSA) à l’est.

Son économie tournée historiquement vers la sphère productive - fondée sur l‘installation d’entreprises industrielles à forte intensité de travail - se reconvertit progressivement dans une économie de services et dans une économie présentielle (santé, avec par exemple grand hôpital régional Emile Muller au sud, administrations). A cet égard si le groupe PSA est le premier pourvoyeur d’emplois dans la région mulhousienne, le secteur hospitalier et de santé et les administrations municipale et intercommunale sont les autres activités concentrant les emplois.

Toutefois, elle manque de fonctions métropolitaines stratégiques et sa métropolisation est entravée par le rayonnement de Strasbourg au nord et celui de Bâle au sud. Vue de Bâle, Mulhouse est une périphérie intégrée et son aire urbaine est autant polarisée par Bâle que par Mulhouse.

Une insertion de qualité dans les réseaux urbains et de communication européens

Pourtant, comme le montre l’image, Mulhouse dispose de plusieurs atouts comme sa situation de carrefour rhénan trinational entre la France, la Suisse et l’Allemagne et la qualité de sa connexion aux réseaux de communication.

L’agglomération dispose en effet d’une densité d’infrastructures de transport digne d’une métropole d’influence régionale. Ces dernières favorisent son insertion à l’échelle régionale, nationale et européenne. Les réseaux autoroutiers (A35-A36) et la ligne TGV/ICE la mettent en relation avec Strasbourg-Francfort, Bâle-Zurich, Dijon-Paris-Lyon. L’EuroAirport trinational de Bâle-Mulhouse (plus au sud, hors image) est desservi par plus de 20 compagnies et accueille plus de 6 millions de passagers tout en disposant d’un aérogare pour le fret. Enfin, le canal rhénan à grand gabarit relie Mulhouse au Rhin et la ZIP d’Ottmarsheim sur le Rhin, comprenant deux terminaux à conteneurs, ce qui en fait le 3 port fluvial de France.

Les profonds clivages sociaux de l’agglomération mulhousienne

Mais l’agglomération est confrontée à de profonds clivages sociaux et territoriaux.

Etalement et fragmentation urbaine. Comme le montre l’image, l’étalement urbain de Mulhouse se traduit par une multiplication des emprises productives (sites industriels, ZAC) et des axes de communications qui ont contribué à morceler la ville. Cette fragmentation urbaine s’accompagne de contrastes socio-spatiaux qui ont tendance à se creuser depuis la crise de 2008. La voie de chemin de fer pourrait symboliser cette fracture entre un sud à haut revenu, peuplé de classes moyennes et supérieures, et le reste de l’agglomération, plus populaire et plus ouvrier.

Une fracture « spatiale » nord/sud ? Les quartiers du péricentre, les quartiers de banlieue et le nord-ouest de l’agglomération concentrent les classes populaires et ouvrières, avec une forte proportion d’immigrés), à faibles revenus. En particulier, le tissu économique - encore très tourné vers les activités industrielles et l’essor des services marchands privés - explique la sur-représentation des ouvriers et des employés dans la M2A (30 % et 29 % de la population active).
La ville-centre concentre des défis sociaux considérables : Mulhouse est en effet la 9e ville la plus pauvre de France et reçoit la moitié des RSA versés dans le département du Haut-Rhin. La population à faible revenu se concentre en particulier dans les quartiers de banlieue (Coteaux, Drouot, Bourztwiller). Au total, 44 % de la population mulhousienne vit dans un Quartier Prioritaire de la politique de la ville ; et 20 % dans la M2A.
A l’opposé, le sud de la ville (cf. quartier du Rebberg) et sa couronne périurbaine sont plus résidentiels (pavillonnaires) et marqués par la présence des cadres supérieurs à hauts revenus qui travaillent notamment dans le secteur hospitalier du Moenschsberg mais aussi de frontaliers exerçant à Bâle ou en Allemagne.

La revanche des campagnes périurbaines sur la ville-centre

Si la population de la ville centre se maintient depuis les années 2000, autour de 110 000 habitants, sa périphérie connaît une forte croissance démographique. Cela illustre le dynamisme et l’attractivité des communes périurbaines.

Avec 15 400 euros de revenu fiscal médian par an, Mulhouse fait partie des villes moyennes les plus pauvres de France, alors que sa couronne périurbaine compte au contraire des communes parmi les plus aisées du pays. Zimmersheim, au sud, une commune d’un peu plus de 1 000 habitants, a un revenu fiscal médian qui dépasse 32 000 € par an, ce qui place la commune dans le dernier centile à l’échelle nationale.

Cela se traduit dans la gouvernance de l’intercommunalité où le poids des communes périurbaines s’accentue par rapport à la municipalité de Mulhouse. Depuis 2010, la présidence de Mulhouse Alsace Agglomération est passée entre les mains du maire de Berrwiller, une commune périurbaine de 1 200 habitants dont le revenu fiscal médian est 60 % plus élevé qu’à Mulhouse et où la part de la population immigrée ne dépasse pas 1,3 %.

 

Zooms d’étude

 



Les mutations du centre-ville entre réhabilitation urbaine et stratégies de métropolisation

Les transformations socio-spatiales de Mulhouse depuis le XIXem siècle peuvent se lire dans le centre de la ville. Son industrialisation stimule sa croissance démographique : elle passe de 6 000 habitants en 1800 à 95 000 en 1910 avec le développement de l’industrie textile et mécanique. L’essor des activités industrielles et le besoin de logements pour la main d’œuvre ouvrière ont contribué aux premières modifications du paysage urbain de la ville. Ville bourgeoise, devenue industrielle et ouvrière, elle développe des stratégies de métropolisation pour redonner une centralité et une attractivité à son cœur qui s’est progressivement paupérisé.

Une fragmentation sociale et urbaine héritée du XIXe siècle

Au sud du centre historique, la « fabricantocratie » mulhousienne, regroupant les élites industrielles, intellectuelles et politiques de la ville, a entrepris dans les années 1820-1830 l’aménagement de la place de République, bien reconnaissable car en forme d’étoile, où se concentre les immeubles bourgeois des capitaines d’industrie et leurs sièges sociaux, sous l’impulsion de la Société industrielle de Mulhouse.

Avec le développement industriel de la ville, Mulhouse est devenue une ville ouvrière. Précocement industrialisée, depuis le milieu du XIXe siècle, elle en porte encore aujourd’hui les traces dans le paysage urbain avec la présence de deux sites industriels à proximité du centre historique - l’entreprise textile DMC dans le coin nord-est de l’image, la SACM au sud de l’image dans le quartier de la Fonderie - et un habitat ouvrier important.

On peut voir sur l’image, à proximité de l’usine DMC, la cité ouvrière Muller construite à partir de 1853 par Jean Dollfus, sous la forme spécifique du carré mulhousien. Cette innovation sociale et urbaine est autant le fruit du philanthropisme du patronat mulhousien que du rapport alarmiste du docteur Villermé de passage à Mulhouse en 1840.

De même, le creusement du canal de décharge des eaux de l’Ill en 1846 a été essentiel pour viabiliser ce territoire et rendre possible cette première extension urbaine. De ville bourgeoise, Mulhouse est devenue ouvrière : l’élite industrielle fait le choix – fondamental - à partir des années 1860-1870 de quitter le cœur de la ville pour s’implanter au sud de la gare sur la colline du Rebberg où se multiplient les habitats bourgeois individuels, au sud-est de la carte.

Ce quartier se caractérise par un paysage de grandes demeures bourgeoises individuelles protégées du centre ouvrier par un couvert forestier. Pour matérialiser la fracture dans le paysage urbain, la fabricantocratie fait construire un parc zoologique en 1866, qui isole la bourgeoisie mulhousienne, installée sur les pentes, de la classe ouvrière en contre-bas.

Redonner une centralité au centre : les enjeux des aménagements urbains

Mulhouse vit difficilement les mutations économiques de l’entre-deux-guerres et doit se reconstruire après la Seconde guerre mondiale. Emile Muller, maire de la ville durant les Trente Glorieuses, entend renouveler l’identité mulhousienne de ville industrielle en développant un urbanisme résidentiel moderne.

Cela se traduit notamment par la construction d’un immeuble annulaire, construit entre 1950 et 1963, et d’un gratte-ciel de forme triangulaire par l’architecte François Spoerry entre 1969 et 1973. La Tour de l’Europe devient alors le symbole de Mulhouse mais aussi de la réhabilitation et de la modernisation du quartier de la Dentsche en quartier Europe avec un urbanisme en dalle typique de l’époque.

Mais la désindustrialisation contribue à accentuer les difficultés économiques et sociales de Mulhouse. La ville-centre concentre les ménages à faible revenu, ouvriers et immigrés, alors que les ménages à revenus plus élevés ont développé des stratégies résidentielles d’évitement et de ségrégation en s’installent dans les zones périurbaines du sud de l’agglomération. Le taux de chômage dépasse les 24 % dans la ville-centre.

Pourtant depuis les années 1990, la municipalité et les structures intercommunales (la M2A depuis 2010) misent sur des stratégies de rénovation urbaine pour redynamiser le centre de la ville. L’attractivité passe par des aménagements urbains visant à favoriser des dynamiques de métropolisation et de conversion vers une économie de la connaissance et des services.

De nouveaux pôles centraux aménagés pour rendre la ville attractive

Comme le montre l’image, le passé industriel a laissé dans la ville-centre des quartiers ouvriers dégradés et des friches industrielles. Depuis les années 1990, la municipalité et l’intercommunalité se sont lancées dans une politique active de rénovation urbaine.

Elles ont réhabilité le parc de logements ouvriers ou l’ont transformé comme c’est le cas de la Cité Manifeste dans le quartier ouvrier à proximité de la DMC mais aussi dans le quartier de la Fonderie qui connaît un processus de rénovation et de gentrification de l’habitat.

Les rénovations favorisent l’implantation de nouvelles activités culturelles, artistiques et technologiques : un nouveau campus universitaire dans l’ancienne usine de la SACM dans le quartier de la Fonderie, une pépinière d’innovations nommée KM (2018) et un lieu de production artistique, MOTOCO (more to come) dans l’ancienne friche de DMC en 2012. Il s’agit d’attirer dans Mulhouse une classe créative capable d’impulser une dynamique métropolitaine.

Cela passe également par la rénovation de la Porte Jeune à proximité de la Tour de l’Europe depuis 2008. Elle accueille un mall commercial qui vise à redonner une attractivité au centre-ville, alors que tous les grands centres commerciaux sont dans la périphérie urbaine et périurbaine et contribuent ainsi directement à la dévitalisation des fonctions commerciales de la ville-centre.

Pour compléter la centralité du lieu, la place devient le nœud de l’ensemble des voies de tramway de Mulhouse. Ce carrefour permet de relier le centre-ville aux quartiers de banlieue qui étaient déconnectés du centre (Côteaux, Bourtzwiller, Drouot) et à la vallée de Thann (par le tram-train).

Enfin, l’accueil du TGV à Mulhouse en 2011 a favorisé un réaménagement complet du quartier de la gare pour en faire un quartier d’affaires linéaire le long des voies ferrées et du canal du Rhône au Rhin. La présence de la gare TGV améliore la connectivité de Mulhouse aux autres métropoles régionales et européennes (Strasbourg, Lyon, Paris, Bâle). Les acteurs privés et publics ont participé au financement de la production de ce nouveau territoire central de la ZAC Gare qui comporte des bureaux, accueillant des services aux entreprises, des sièges de banques, l’Agence Sud-Alsace, des restaurants, des hôtels de standing. La sous-préfecture a été réinstallée dans les immeubles bourgeois du XIXe siècle face à la gare, dans l’ancienne Société commerciale des potasses et d’azote. La gare TGV se veut aussi une porte intermodale vers la ville-centre et ses périphéries (tramway, tram-train, parc de vélos).

Ces aménagements répondent à un double objectif de métropolisation, à savoir concentrer des fonctions métropolitaines et de gentrification en attirant des cadres supérieurs qui pourront profiter des aménités de l’agglomération ; mais ils peuvent aussi très largement contribuer à accentuer les disparités internes.

 

 



L’ouest mulhousien : de la ville à l’espace rural

L’image représente l’ouest mulhousien et plus particulièrement la colline des Côteaux et sa pente qui conduit vers le centre-ville, en contrebas (au nord-est). L’image permet de mettre en évidence quatre bandes parallèles, témoins du processus d’étalement urbain de la ville de Mulhouse depuis le début du XXe siècle.

Un étalement urbain résidentiel et pavillonnaire

Comme le montre l’image, l’étalement urbain mulhousien rejoint le village de Dornach au nord-est de l’image, au début du XXe siècle. Cette continuité urbaine est toutefois entravée par la voie de chemin de fer qui historiquement a coupé Dornach de la ville centre. Dornach concentre actuellement des ménages à niveau de revenus intermédiaires et élevés. Toutefois l’habitat est très mixte : on retrouve des formes d’habitat héritées des cités-jardins ouvrières et des maisons plus bourgeoises du XIXe siècle, destinés aux cadres de l’industrie mulhousienne.

Les grands ensembles de banlieue à redynamiser

La seconde bande correspond au quartier des Côteaux qui fait partie des quartiers prioritaires de la politique de la ville. Sa morphologie est typique des grands ensembles de banlieues, qui concentrent les catégories sociales populaires, ouvrières et immigrées mais aussi des fragilités sociales (taux de chômage élevé).

Le quartier des Coteaux trouve son origine dans la décision gouvernementale en 1959 de créer des ZUP (zones à urbaniser en priorité) afin de répondre à la demande de logements dans un contexte de prospérité économique (Trente Glorieuses) et de croissance démographique (baby-boom et forte immigration économique). La ville atteint 119 000 habitants en 1975. Il s’agit d’un urbanisme inspiré de la Chartes d’Athènes et des principes du Corbusier, privilégiant des grands ensembles entourés d’espaces verts dans une logique monofonctionnelle résidentielle. Ce quartier achevé en 1962 devait incarner la modernité mulhousienne et offrir des logements aux classes moyennes mulhousiennes.

Toutefois, le quartier s’est progressivement paupérisé et est devenu un espace enclavé et marqué par une forte ségrégation socio-spatiale, par une forte diversité culturelle avec la moitié de la population résidentielle d’origine étrangère et par une insécurité. C’est le cas également de la ZUP de Bourtzwiller au nord de la ville, dans le quartier des 420, construit en 1964-1965, coupée du reste de la ville par l’autoroute, et à l’est de la ville dans le quartier du Drouot, cette cité-jardin se voyant adjoindre dans les années 1950-1960 des grands ensembles collectifs pour accueillir les travailleurs de l’industrie, automobile notamment.

Le parc tertiaire et technologique des Collines

Après qu’un premier campus universitaire de Mulhouse ait été implanté à proximité des Côteaux, la municipalité a créé une zone franche pour y attirer des entreprises en 1997. Elle est devenue son principal parc tertiaire, implanté le long de l’échangeur autoroutier de l’A36. L’accessibilité et la qualité des infrastructures expliquent le choix de la création de cette zone d’activité tertiaire, technologique et industrielle et l’installation de centres commerciaux à grand gabarit (Cora, Ikea).

La M2A a favorisé l’ouverture d’une ligne de tram qui a vocation à relier les quartiers péricentraux au cœur de la ville en 2006. Cela répond à un objectif de désenclavement de la colline des Coteaux mais aussi à donner une meilleure connectivité au campus universitaire du Illberg et au Parc des Collines.

Les espaces périurbains

La dernière bande est constituée des communes périurbaines entourées d’espaces agricoles, comme c’est le cas de Morschwiller-le-Bas, mais aussi plus au sud de Brunstatt, Didenheim (...). Ces villes se caractérisent par leur forme longitudinale et par leur urbanisation en doigts de gant le long des axes routiers, typique des dynamiques de périurbanisation.

La route nationale qui relie à l’A36 marque symboliquement le front urbain de l’agglomération mulhousienne à l’ouest. Les activités agricoles ont encore une emprise forte dans les campagnes périurbaines, même si elles sont concentrées par un petit nombre d’exploitants. Ces villages périurbains ont une fonction avant tout résidentielle, dynamisée par la présence de la métropole bâloise tout autant que par Mulhouse, tant pour les activités de chalandages que pour le travail.

 

 



Le Bassin potassique, un territoire périphérique, minier et industriel en reconversion

Le Bassin potassique s’étend sur tout le nord-ouest, entre le Piémont du massif vosgien et la forêt domaniale de la Hardt. Couvrant plus de 20 000 ha, il s’ouvre au nord vers la plaine d’Alsace et les rieds. Ce territoire original, son économie locale et sa société ont été profondément marquées et organisées par l’activité minière de la potasse et par un acteur majeur : les Mines de Potasse d’Alsace (MPDA), qui assurent son exploitation économique de 1904 à 2002. Cet espace concentre des ménages aux revenus modestes, d’origine plutôt populaire et ouvrière, qui ont été fortement touchés par la désindustrialisation : il est au cœur de différents projets de diversification économique.

Les héritages territoriaux de l’emprise minière

On peut observer à partir de cette image les paysages typiques de l’activité minière avec la présence de cités-jardins ouvrières, de terrils et de chevalements, dont certains sont encore visibles à Wittenheim, à Wittelsheim et à Staffelfelden.

Le système carreau-cité est typique du Bassin potassique : les cités-jardins ouvrières de type pavillonnaire ont été édifiées à proximité des carreaux et des terrils mais en marge des territoires communaux, souvent au milieu des espaces agricoles et forestiers. Si on observe dans l’image une continuité urbaine dans les communes du Bassin potassique, cela n’a pas été le cas au moment de la fondation des cités minières, qui étaient déconnectées spatialement des bourgs.

Cette forme de ségrégation a été voulue par l’entreprise qui voulait concentrer et contrôler les mineurs à proximité de leur travail : les cités ont ainsi vécu repliées sur elles-mêmes autour de leur terril, contribuant à produire une identité minière spécifique. Puis le territoire a été progressivement maillé par des infrastructures routières et des voies ferrées, le long desquelles s’est opéré l’étalement urbain, réduisant et enclavant les espaces à vocation agricole. Enfin, le mitage opéré par les équipements industriels et les zones résidentielles a eu un effet limité sur les espaces forestiers qui ont été préservés : la superficie forestière actuelle est comparable à celle du début du XXe siècle car le bois a été une ressource exploitée mais aussi renouvelée car nécessaire au maintien des galeries.

La fermeture d’un carreau a donc une répercussion immédiate sur la cité minière où se concentre la majorité de ses travailleurs. En 2001, encore les deux tiers des habitants des cités appartenaient à des familles de mineurs ou d’anciens mineurs.

Un territoire en reconversion : les stratégies de diversification économique

L’activité minière a atteint son apogée dans les années 1950-1960 : la production a été multipliée par 5 entre 1940 et 1975 en passant de 3 millions de tonnes en 1940, à 6 en 1950 et 12 en 197 ; alors que les effectifs des MDPA dépassent les 13 000 salariés en 1957. Depuis les années 1970, la production, l’emploi et les installations sont en diminution et l’entreprise, avec le soutien des collectivités territoriales et l’Etat, entreprend un plan de reconversion en 1994. Les carreaux ferment progressivement : l’arrêt du carreau Amélie en 2002 à Wittelsheim marque la fin définitive de l’activité minière dans le Bassin potassique.

Depuis les années 1990, les acteurs locaux - publics et privés - ont lancé des stratégies de diversification des activités visant à la fois à réhabiliter, à réindustrialiser mais aussi à patrimonialiser les anciens carreaux. La Communauté de communes du Bassin potassique (CCBP, créée en 1995) assurait ainsi la gestion du patrimoine minier et sa ré-industrialisation, avant qu’elle n’intègre la communauté d’agglomération de Mulhouse (CAMSA devenue la M2A en 2010).

Certains anciens carreaux de mines ont été réhabilités et transformés en zones commerciales (c’est le cas du carreau Anna à Wittenheim), en zones industrielles et logistiques (l’aire de la Thur à Pulversheim en face du carreau Rodolphe) ou en zones éco-industrielles (Wittelsheim, sur le carreau Joseph-Else).

Ces aménagements nécessitent un démantèlement des sites (destruction des chevalements qui marquaient l’identité paysagère minière, des sites de production et de stockage), une dépollution des nappes et une dissolution des terrils nécessitant l’intervention et le financement de multiples acteurs (les MDPA, l’Agence de l’eau Rhin-Meuse, la Région Alsace, l’UE via le FEDER).

Cette stratégie de diversification industrielle du Bassin potassique s’accompagne du développement d’activité récréative de loisirs comme l’Ecomusée à Ungersheim (créé en 1984) et le Bioscope (parc d’attraction sur l’environnement et la santé de 2006 à 2012) devenue Le Parc du Petit Prince depuis 2014.

Elle s’accompagne d’une demande de patrimonialisation industrielle et de préservation de l’identité et de la mémoire minière. Elle se manifeste à travers la multiplication de projets muséologiques depuis les années 1990. L’intercommunalité a ainsi soutenu l’intégration du carreau Rodolphe de Pulversheim à l’Ecomusée d’Alsace (Ungersheim).

 

 



L’emprise de l’entreprise Peugeot sur le territoire et l’économie locale

Comme le montre l’image, l’est de l’agglomération mulhousienne est dédié à des activités industrielles et de services de part et d’autre de l’échangeur autoroutier de l’A35 et de l’A36. On distingue deux espaces productifs, l’Ile Napoléon entre l’A36 et le canal Rhin-Rhône, et le site d’implantation de l’usine Peugeot - PSA, qui se sont développés depuis les années 1960.

Le site du groupe Peugeot et ses facteurs de localisation

Comme l’image le montre, le groupe Peugeot s’est implanté à Mulhouse en 1962 au cœur de la forêt de la Hardt sur un site de 320 ha, sur les bans de la commune de Sausheim. Il s’agissait à l’origine d’un site de production de boîte de vitesse avant que la forge de Sochaux ne s’implante à Mulhouse en 1963.

Dans les années d’après-guerre, la construction monte en puissance : le marché de l’automobile est en extension avec l’élévation du niveau de vie. Pour désengorger le site de Sochaux-Montbéliard, le groupe Peugeot prend la décision de s’implanter à Mulhouse en octobre 1959 pour quatre grandes raisons :

- La proximité de l’échangeur autoroutier qui permet de relier rapidement Mulhouse au site de Sochaux-Montbéliard, premier pôle de production de PSA mais aussi de son centre technique et d’essais,
- Le canal qui permet de relier le site (port Peugeot) au Rhin pour l’approvisionnement en matières premières,
- La présence de l’EuroAirport Mulhouse-Bâle.
- La réserve foncière (la forêt de la Hardt) et la présence d’une main d’œuvre ouvrière nombreuse

Elle renforce le caractère fordiste du système productif industriel mulhousien des Trente Glorieuses, à forte intensité de travail. Il s’inscrit dans la tradition industrielle automobile alsacienne - dont les pionniers sont De Dieterich, Bugatti, Mathis - et dans un des systèmes productifs les plus importants dans le secteur : il regroupe environ 20 % de l’emploi salarié en Alsace en 2010.

Depuis 1973, c’est le 2e site de production et d’assemblage du groupe en France, après celui de Sochaux-Montbéliard : il dispose d’une usine terminale, d’une usine mécanique et d’un pôle métallurgique. A son apogée, le site employait 15 000 salariés en 1978-1979. Il produisait plus de 470 000 véhicules par an en 2002 et employait plus de 12 000 salariés en 2004.

Le pôle PSA assure ainsi le montage de 190 000 automobiles en 2016 avec 7 100 salariés, mais le nombre continue tendanciellement à se réduire. Dans un contexte de recul des activités industrielles, le bassin d’emplois que représente PSA est stratégique pour l’agglomération.

Son emprise territoriale et économique dans l’agglomération de Mulhouse

La présence du groupe PSA a favorisé l’installation d’un réseau dense d’entreprises à proximité de l’usine de montage, qui structure l’industrie automobile du Rhin Sud et du nord de la Franche-Comté, selon le modèle rhénan.

Le quart des sous-traitants du groupe sont implantés dans les périphéries de Mulhouse, comme Faurecia à Pulversheim dans le Bassin potassique ou Clemessy dans l’Ile Napoléon. Le site s’inscrit dans le modèle productif rhénan, qui associe une grande firme et un tissu productif dense, très intégré aux échelles locales et régionales.

D’autres établissements ont été implantés à proximité du site pour profiter de l’importance du foncier libre et de la bonne connectivité : c’est le cas du centre d’épuration des eaux que l’on peut observer sur l’image, mis en service en 1986, qui traite les eaux usées et les effluents des sites industriels, principalement de Peugeot.

L’emprise économique et territoriale du groupe PSA est considérable pour l’agglomération mulhousienne. Le groupe PSA est le premier pourvoyeur d’emplois de la zone de Mulhouse mais aussi du Haut-Rhin. Il compte plus de 9 400 salariés directement, soit 9 % des salariés de la zone d’emploi de Mulhouse, et plus de 15 300 en comptant les emplois indirects (sous-traitance, fournisseurs, prestataires de services). Ce nombre se monte à 45 000 personnes en y incluant les effets d’entraînements sur les services et l’économie présentielle (commerce, santé, éducation, culture, logements...).

Les enjeux industriels et sociaux pour Mulhouse

La réduction des emplois sur le site correspond aux stratégies industrielles du groupe qui visent à rationaliser les coûts de production en se recentrant sur son cœur de métier et à favoriser l’internationalisation du groupe : cela passe par une externalisation des activités de services, un recours croissant à la sous-traitance, à l’automatisation et à la robotisation, et à la délocalisation de ses unités de production vers des territoires émergents des Suds ou en Europe de l’Est dans un contexte d’intensification de la concurrence internationale.

La principale faiblesse du site est de ne disposer que des activités de production et non celles de conception. Les fonctions stratégiques se concentrent en Ile de France avec le siège social à la Défense et la R&D à Colombes et Vélizy. La direction peut donc organiser une concurrence interne entre les sites de production en France et à l’étranger. Pour favoriser la pérennité et le développement du secteur automobile, l’Etat, les collectivités territoriales et les acteurs privés ont soutenu la création en 2004 d’un pôle de compétitivité « Véhicules du Futur » pour favoriser l’innovation technologique mais les résultats sont limités.

Le profil sociologique des salariés de Peugeot-Mulhouse est très spécifique : 8 salariés sur 10 sont des ouvriers, la part des cadres et des ingénieurs ne représente que 5 % de l’emploi salarié ; contre 15 % sur le site de Sochaux. Cela reflète les structures sociales de l’agglomération où prédominent les classes ouvrières (30 % de l’emploi), souvent peu qualifiées. Ces salariés vivent majoritairement à moins de 10 km du site dans l’agglomération de Mulhouse et dans le Bassin potassique (Mulhouse, Wittenheim, Illzach, Kingersheim, Rixheim) et ont en moyenne plus de 40 ans. Les moins de 25 ans représentent moins de 3 % de l’emploi total alors que la moitié des effectifs a plus de 50 ans.

 

D’autres ressources

Sur le site Géoimage du CNES

Franche Comté. Le pays de Montbéliard et le groupe automobile Peugeot à Socaux

Bâle : une exceptionnelle métropole transfrontalière, entre Suisse, France et Allemagne

Sur le site Géoconfluences

Simon Edelblutte, « Reconversion industrielle ou redéveloppement territorial ? L'exemple de Thaon-les-Vosges, ancienne ville-usine textile lorraine », Géoconfluences, décembre 2014. 

Bibliographie et documents

Arnould Paul, Besancenot François, « La France : des territoires en mutation. Le Bassin potassique alsacien, un territoire entre passé et projet », dans Géoconfluences, 2006

Burcklen Didier, Vitoux Marie-Claire, Saint-Dizier Pierre-Roland, Des tours et des hommes : les Côteaux-Mulhouse, 1960-2010, Editions Place Stanislas, Nancy-Colmar, 2010.

Carroué Laurent : La France. Les mutations des systèmes productifs, Armand Colin, Coll. U, Paris, 2013.

Charme Eric, La revanche des villages. Essai sur la France périurbaine, La République des idées, Paris, 2019.

INSEE, « PSA Peugeot Citroën - Mulhouse : une emprise territoriale marquante », Chiffres pour l’Alsace, n°2, mars 2009.

Vitoux Marie-Claire (dir.), SACM, quelle belle histoire ! De la fonderie à l’université, Mulhouse, 1826-2007, La Nuée Bleue, Strasbourg, 2007.

Woessner Raymond, La Métropole Rhin-Rhône : vers l’émergence d’un territoire, Jérôme Do Bentzinger, Colmar, 2008.

ID., « La gare de Mulhouse », dans Annuaire historique de Mulhouse, 25, 2014.

ID., « La pauvreté à Mulhouse : quelques questionnements géographiques », dans Annuaire historique de Mulhouse, 29, 2019.

ID., Atlas de l’Alsace : enjeux et émergences, Atlante, Paris, 2019.


Quelques sites à consulter sur l’aire urbaine de Mulhouse :

-    Le site de INSEE

-    Le site de la communauté d’agglomération Mulhouse Alsace Agglomération (M2A) 

-    Le site de l’Agence d’urbanisme de la région de Mulhouse 

Contributeur

Julien Ebersold, enseignant en CPGE, Lycée Montaigne de Mulhouse