Auvergne-Rhône-Alpes - Saint-Etienne : les mutations d’une « grande ville ouvrière », entre décroissance et métropolisation

14e commune de France par sa population de 173 000 habitants, la ville de Saint-Etienne présente dans son tissu urbain les empreintes encore tenaces de la « grande ville ouvrière » qu’elle a été durant des décennies. Voisine de Lyon et préfecture du département de la Loire depuis 1855, elle se localise au centre de la grande région Auvergne-Rhône-Alpes, bien qu’elle n’en soit pas le cœur, mais une périphérie toujours en reconversion. A la tête d’une aire urbaine de 520 000 habitants et d’une intercommunalité élevée au rang de métropole en 2018, Saint-Etienne a néanmoins perdu de nombreux habitants depuis les années 1970. La ville s’est alors (re)développée dans un contexte de crises et de profondes mutations démographiques, économiques et sociales qui peuvent se lire clairement dans le paysage urbain. La « grande ville ouvrière » se rêvant métropole présente ainsi les habits bariolés d’une ville tiraillée entre effets de la décroissance et stratégies de métropolisation.

 

Légende de l’image

 

Cette image de Saint-Etienne, chef-lieu du département de la Loire, a été prise par un satellite Pleiades le 25 juin 2020. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m. En savoir plus


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Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l’image globale

Saint-Etienne, une ancienne ville industrielle en reconversion
et en quête de métropolisation

La ville de Saint-Etienne se situe au pied des monts du Pilat au Sud, au débouché de la vallée du Furan, s’ouvrant vers la plaine du Forez au Nord. A l’Est, la vallée du Gier la relie à Lyon, à cinquante kilomètres de distance. A l’Ouest, la vallée de l’Ondaine mène aux Gorges de la Loire et ses plateaux, amorçant les Monts du Forez. Dans un environnement à la « naturalité » marquée et à la topographie vallonnée où se dessinent des formes urbaines tentaculaires, l’observation de l’image satellite révèle les différentes temporalités de l’évolution de la ville et la diversité de ses espaces.

Un espace central très dense, mais à la centralité fragilisée

Le centre-ville stéphanois (voir zoom 1) apparait particulièrement dense, en raison du grand nombre d’immeubles érigés afin d’absorber la croissance démographique du XIXe siècle, en l’absence de règles de planification. L’hypercentre accueillait les immeubles des passementiers, activité qui a structuré l’économie urbaine au cours du XIXe siècle. Le centre-ville demeure aujourd’hui une polarité commerciale et administrative majeure : cinémas, bars et restaurants, Hôtel de Ville, préfecture, conseil départemental, palais de justice...

Mais le déclin démographique et les crises économiques ont entraîné la fermeture d’un grand nombre de pas de portes commerciales et l’on assiste, depuis dix ans, au déplacement des services publics à l’extérieur de l’hypercentre, notamment vers le quartier d’affaires de Châteaucreux : URSSAF, caisse primaire d’assurance maladie, caisse d’allocations familiales.

Régulièrement, cette question de la « mort du centre-ville » resurgit dans le débat public local, les municipalités successives peinant à enrayer un phénomène de décroissance semblant inéluctable. Près de 50.000 habitants ont ainsi quitté Saint-Etienne entre 1970 et 2010, nourrissant massivement la démographie des communes périurbaines de la plaine du Forez située au Nord de Saint-Etienne. Depuis 2016 toutefois, les recensements révèlent un arrêt de cette érosion démographique et une stabilisation de la population municipale.

Le centre-ville et ses abords au cœur d’enjeux politiques et sociaux

A l’exception notable des places de l’Hôtel de Ville et Jean Jaurès, cœurs politiques de Saint-Etienne, l’hypercentre et ses quartiers limitrophes, comme Tarentaize-Beaubrun et Crêt de Roch, accueillent des ménages plutôt précaires au revenu médian inférieur à la moyenne communale, précisément ceux dont la proximité des services publics est essentielle (voir zoom 2). Dans ce contexte, le tissu associatif local, relayé par un réseau d’amicales laïques hérité de l’histoire ouvrière de la ville, agit dans le centre-ville stéphanois, notamment sur les rez-de-chaussée vacants ou à l’échelle de quartiers entiers comme Saint-Roch ou Crêt de Roch afin de faire émerger des stratégies de redynamisation urbaine par la participation des habitants.

Les investissements publics, notamment de la municipalité et de l’établissement public d’aménagement de Saint-Etienne, l’EPASE, se polarisent quant à eux sur des quartiers de l’Est stéphanois : Châteaucreux/Monthieu (voir zoom 3) et Manufacture/Plaine-Achille (voir zoom 4). Ces territoires d’intervention de la puissance publique apparaissent comme les nouvelles vitrines d’une ville reconvertie, métropole accueillant un quartier d’affaires avec des administrations et sièges sociaux d’entreprises, ainsi que des équipements récréatifs et commerciaux de premier plan.

Le centre-ville et ses abords font tout de même l’objet d’une attention politique et constituent un marqueur de l’action publique locale. Le mandat du maire socialiste Maurice Vincent (2008-2014) a vu l’achèvement de la piétonnisation du centre-ville et la requalification des principales places - Chavanelle, Dorian, Hôtel-de-Ville, Jacquard - alors que le maire LR élu depuis 2014, Gaël Perdriau, conjugue réouverture du centre-ville aux automobiles et politique de démolition.

La fin des années 2010 marque enfin la formalisation d’une stratégie d’attractivité urbaine à destination des classes moyennes et « créatives » dans des quartiers où le prix de l’immobilier reste bas et dotés de commerces - avec par exemple la requalification des Halles du XIXe siècle - ou de projets immobiliers performants du point de vue énergétique par exemple, tel le Crêt de Roch.

De la croissance démographique et extension urbaine des années 1960-1970 aux requalifications et « politiques de la ville » actuelles

Sur l’image satellite, les constructions anciennes aux toits couleur brique du centre-ville laissent vite place à des formes moins homogènes, plus longues - voire courbées, d’immeubles et bâtiments aux toits gris. Cela correspond à l’aménagement, à partir des années 1960, des quartiers de Centre-Deux, Bellevue puis Solaure dans la partie méridionale de la ville ; Bergson et la Terrasse dans la partie septentrionale.

Les décennies suivantes ont marqué l’aménagement de quartiers périphériques sur les collines entourant la ville. La morphologie géométrique caractéristique des grands ensembles - avec barres et tours - de Montreynaud au Nord-Est, Beaulieu/La Métare au Sud-Est et La Cotonne au Sud-Ouest contrastent avec des logements voisins destinés aux classes moyennes, sous forme de lotissements pavillonnaires ou d’immeubles en copropriété (voir zoom 5). Depuis une dizaine d’années, ces quartiers font l’objet d’opérations de rénovation ou de réhabilitation dans le cadre de la Politique de la Ville, avec notamment la démolition de tours et barres d’immeubles et la requalification des espaces publics.

Des périphéries urbaines aux fonctions économiques et récréatives marquées

Les activités économiques sont elles aussi visibles sur les marges de la ville, en particulier les zones d’activités aménagées dans les années 1970 au Sud-Ouest avec Malacussy et La Cotonne et au Nord-Est avec Le Marais et Molina. Des entreprises et entrepôts y sont installés, à l’architecture basique, souvent rectangulaire, proches des principaux axes de communication routiers : ainsi, Thuasne, l’un des leaders français du textile médical, est installé dans la zone industrielle de La Cotonne ; l’usine du chocolatier Weiss borde l’autoroute A72 à l’Est de la ville.

Les grands équipements sportifs et culturels de la ville – et de la métropole – prennent également place dans ces périphéries, qu’il s’agisse de complexes sportifs créés dans les années 1970, tels Méons et L’Etivallière, dont la forme rectangulaire ou ovoïde des courts de tennis, stades et terrains de basket ressort très nettement sur l’image, du stade Geoffroy Guichard rénové en 2014 pour accueillir l’Euro 2016, du zénith inauguré en 2008, du musée d’art moderne et contemporain ou du Parc Expo, réhabilité en 2021.

Le quartier du Technopôle, dans lequel se trouve le stade Geoffroy Guichard, témoigne de la volonté de la ville à montrer sa capacité de reconversion industrielle. Le toponyme évoque la modernisation du tissu économique et l’implantation de PME spécialisées dans les secteurs de l’optique, de l’informatique ou de la mécanique par exemple, succédant aux grandes entreprises fordistes ayant fait la gloire puis le déclin de Saint-Etienne comme Manufrance et GIAT industries par exemple.

Les périphéries stéphanoises abritent enfin des polarités commerciales structurantes, avec plusieurs centres commerciaux d’envergure au Nord sur Villars et à l’Est sur Monthieu. Cette entrée de ville, depuis Lyon par l’A47, a fait l’objet d’une requalification urbaine importante symbolisée par l’ouverture, fin 2020, du gigantesque centre commercial « Steel ». Espace commercial en plein air, sa création vise, dans les discours des élus et aménageurs, à enrayer les flux de consommateurs se dirigeant vers l’aire métropolitaine lyonnaise.

La proximité d’espaces périurbains et ruraux

L’extrémité Nord de la ville rencontre l’urbanisation de la commune de Saint-Priest-en-Jarez (voir zoom 6), qui abrite notamment le CHU - centre hospitalier universitaire et, depuis 2015, le campus Santé Innovations qui regroupe la Faculté de médecine de l’université de Saint-Etienne, des laboratoires de recherche et une annexe de l’École des Mines. Cet immense pôle médical et universitaire jouxte un espace commercial le long d’un échangeur autoroutier menant vers Lyon et Clermont-Ferrand et ouvrant l’agglomération stéphanoise sur la plaine du Forez.

De part et d’autre d’un boulevard périphérique inachevé - puisque la rocade Ouest ne se compose que d’un axe à 2x1 voie - et saturé par les mouvements pendulaires, les lotissements pavillonnaires des communes adjacentes - comme Villars, Saint-Genest-Lerpt, Saint-Priest-en-Jarez, L’Etrat - côtoient des parcelles agricoles encore présentes. Celles-ci témoignent d’une insertion de la ville dans une « campagne » proche marquant fortement l’identité et l’urbanité de Saint-Etienne.

 

Zooms d’étude

 

Zoom 1. Le centre-ville stéphanois : une mosaïque urbaine aux formes diverses

Le site de la ville, correspondant à l’actuelle place Boivin, apparait au sud de l’image avec un aspect de noyau circulaire. Cet espace fortement circonscrit n’a pu se développer et s’étendre pendant la période médiévale. La nationalisation des biens de l’Eglise après la Révolution française a conduit à la disparition des propriétés religieuses qui constituaient des freins à l’expansion urbaine au Nord et au Sud. D’anciens faubourgs sont aujourd’hui devenus des lieux prisés de la jeunesse stéphanoise, accueillant de nombreux débits de boissons dans leurs ruelles pavées, certains bâtiments ayant conservé une façade médiévale à colombage : quartiers Saint-Jacques, Martyrs de Vingré et Chavanelle par exemple. Au Sud de l’image, la place du Peuple, dont la forme n’obéit pas à la géométrie la plus classique, est une polarité majeure du centre-ville, où se croisent les flux de voyageurs empruntant les trois lignes de tramway de la ville, ainsi qu’un espace de mobilisation sociale et politique lors de manifestations par exemple.

Plus au Nord, le centre-ville présente une morphologie en « damier » héritée de l’intervention de l’architecte italien Pierre-Antoine Dalgabio, à la demande des autorités municipales au début du XIXe siècle. La voie ferrée - la ligne Lyon/Firminy, dont la portion Saint-Etienne/Lyon est la ligne ferroviaire la plus fréquentée en dehors de la région parisienne - « ceinture » le centre-ville au Nord et à l’Ouest, doublée d’un boulevard urbain absorbant une partie du trafic automobile.

Très vite, l’œil est attiré par un long axe de communication de près de 6 km, la « Grand’ Rue », reliant le quartier de Bellevue au Sud au quartier de la Terrasse au Nord - non visibles sur l’image - en passant par le centre-ville et les principales polarités urbaines : Centre-Deux, campus de Tréfilerie et Carnot, Hôtel de Ville, préfecture, Cité du design etc.. Axe tantôt routier, tantôt piéton et en intégralité parcouru par le tramway, cette « rue artérielle [qui] limite le décor », chantée par Bernard Lavilliers, segmente l’espace urbain de Saint-Etienne. L’aspect linéaire de l’urbanisation est encore très marqué selon un axe Nord-Sud correspondant à l’écoulement du Furan, encadré par des collines aujourd’hui urbanisées. La colline du Crêt de Roch, accueillant un cimetière à son sommet, est d’ailleurs visible dans l’angle Nord-Est de notre image, tout comme la colline des Pères, dans l’angle Sud-Ouest et la colline de Villeboeuf qui lui fait face au Sud-Est.

La fin du XIXe siècle voit l’aménagement de l’avenue de la Libération, ouvrant le centre-ville vers l’Est, et de la rue Michelet, parallèle à la Grand’ Rue, témoignant d’une inspiration haussmannienne pour panifier le développement urbain.

 


Centre-ville stéphanois

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 2. De l’hypercentre à l’ancien Puits-Couriot : une action publique face aux enjeux de décroissance et de paupérisation

Ce zoom englobe plusieurs quartiers stéphanois aux profils sociaux et économiques fort différents. A l’Est de l’image, la Grand’ Rue rectiligne rencontre, du Sud au Nord, les places Anatole France (dont les contours sont bordés d’arbres),  du Peuple, de l’Hôtel de Ville et Jean Jaurès, où les flux de populations et la densité commerciale (banques, grandes enseignes, commerces indépendants) sont caractéristiques d’un centre-ville européen. Les immeubles bourgeois, à la façade travaillée, côtoient les hauts lieux du pouvoir local, l’Hôtel de Ville et l’Hôtel de Département (siège de la préfecture et du conseil départemental), qui s’intègrent dans l’axe Nord-Sud de la rue principale.

A l’ouest du centre-ville, les quartiers limitrophes de Jacquard et de Tarentaize-Beaubrun présentent un bâti dense, avec des immeubles de moins bonne qualité, voire vétustes et insalubres pour certains. La sociologie des habitants laisse apparaitre une grande fragilité sociale et économique (le taux de pauvreté s’élève à 47,4% pour l’IRIS de Beaubrun, contre 24% à l’échelle de la ville en 2015), avec une population étrangère sur-représentée par rapport à la moyenne communale. L’habitat est composé à la fois d’immeubles très anciens et délabrés et de logements sociaux hérités d’opérations de réaménagement menées dans les années 1980. La vacance résidentielle a conduit la municipalité à lancer une campagne de communication axée sur son action de démolition d’ilots entiers depuis 2018. Les parcelles libérées participent ainsi d’une dé-densification de l’espace urbain en même temps qu’une résorption des logements insalubres.

De l’autre côté du boulevard urbain et de la voie ferrée se dresse le chevalement du Puits-Couriot, puits de mine fermé en 1973 et devenu musée en 1991. L’image satellitale montre très bien les deux terrils, cônes hérités de l’amoncellement des déchets miniers pendant les années d’exploitation, aujourd’hui végétalisés sur les versants mais aux sommets encore dégarnis. Ces reliefs artificiels sont devenus des monuments historiques, rigoureusement interdits d’accès car la combustion des déchets miniers n’est pas encore achevée. Ce vaste espace d’exploitation minière a été requalifié en parc urbain accueillant diverses animations, notamment l’été, et depuis 2021 un lieu d’expérimentation scientifique pour le grand public. Le paysage urbain stéphanois présente ainsi les vestiges de son passé industriel, dont la reconversion en lieu culturel a répondu aux stratégies locales de tertiarisation et de construction métropolitaine à partir des années 1990.

 


L'hypercentre

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 3. Châteaucreux/Monthieu : la vitrine métropolitaine depuis Lyon

Ce zoom centré sur les quartiers de Châteaucreux et Monthieu met en évidence les transformations de l’entrée orientale de la ville de Saint-Etienne, depuis la vallée du Gier et la métropole lyonnaise. Les profondes mutations de ces quartiers remontent à la création de l’établissement public d’aménagement de Saint-Etienne (EPASE) en 2007, réunissant l’Etat et les collectivités territoriales, avec pour mission de conduire des projets de renouvellement urbain de grande ampleur.

Au cours des années 2010, le quartier de Châteaucreux, au centre duquel est implantée la principale gare de la ville, devient l’objet de politiques d’aménagement visant à en faire le « second quartier d’affaires de la Région Auvergne-Rhône-Alpes », derrière la Part-Dieu à Lyon . Ces opérations ont porté sur la création d’un espace d’échanges multimodal associant gare TER et TGV (l’emprise ferroviaire apparait nettement sur l’image), connexion entre les lignes de tramway (l’une menant vers les quartiers Sud via le centre-ville, l’autre rejoignant le Nord), la gare routière desservant les villes de la métropole et de la région etc. Le second volet a porté sur la démolition de friches industrielles et la construction d’immeubles de bureaux, en lien avec de grands opérateurs privés, avec pour symbole la construction du siège mondial du groupe Casino, dont la forme « en paquebot » ressort au centre-ouest de l’image. Le réaménagement de Châteaucreux a aussi conduit au déménagement des sièges départementaux de la CPAM, de la CAF et des URSSAF (précédemment implantés dans le quartier de Beaubrun), l’installation du siège national du chèque emploi service universel, d’administrations locales (DDFIP, DDT, Saint-Etienne Métropole), d’hôtels et d’entreprises. Plusieurs immeubles résidentiels complètent ces réalisations, avec en point d’orgue la pose de la première pierre d’une tour à énergie positive à l’automne 2021. Plusieurs parcelles apparaissent encore en chantier, avec une couleur marron apparaissant sur notre image.

Plus à l’Est, la vocation commerciale de l’entrée de ville est confortée par la construction d’un immense centre commercial de plein air inauguré fin 2020, « Steel » (dont le nom fait écho à la toiture en acier) le long de l’autoroute A72, reliant Saint-Etienne à Clermont-Ferrand. Cette construction est visible dans le quart Nord-Est de l’image, avec une architecture courbée. Ce projet, très critiqué en raison de sa potentielle concurrence avec le centre-ville, a été présenté comme une « complémentarité » destinée à renforcer l’attractivité commerciale de Saint-Etienne et limiter « l’évasion » des consommateurs vers les zones commerciales de Givors ou de la Part-Dieu, dans le Rhône. De nombreuses grandes enseignes étoffent cette offre commerciale, notamment IKEA, ouvert en 2005 face à un terril. Les anciens déchets miniers d’un côté et la tertiarisation commerciale de l’autre illustrent une reconversion économique, mais aussi symbolique, de la « grande ville ouvrière ». Cela témoigne aussi d’une volonté de renforcer la polarité de Saint-Etienne face à ses périphéries et son statut de métropole face à la proximité de Lyon.

 


Châteaucreux/Monthieu

 

 


Repères géographiques

 

 

 

Zoom 4. Manufacture/Plaine-Achille : de la fabrique d’armes au « quartier créatif » et technologique

Au Nord de Châteaucreux, les quartiers de la Plaine-Achille et de l’ancienne manufacture d’armes témoignent aussi des évolutions profondes de la ville au cours du XXe siècle et des politiques d’attractivité métropolitaine qui ont vu le jour dans les années 2000. Au Sud-Ouest, l’image satellite laisse à voir l’ancien site de la manufacture nationale d’armes, dont l’architecture rectiligne ne laisse guère de doute quant à la rationalisation de l’espace et du travail. Ancienne capitale française de la production d’armes, Saint-Etienne accueille toujours des entreprises spécialisées dans l’armement, mais sans commune mesure avec le XIXe siècle. Le site de la manufacture a fait l’objet d’une patrimonialisation à la fin des années 2000, suscitant de nombreuses controverses lors de son réaménagement. C’est en lieux et places de cette manufacture qu’a été créée en 2009 la Cité du design, regroupant l’Ecole supérieure d’art et design de Saint-Etienne, des espaces d’exposition et des ateliers destinés à l’innovation et aux designers. Labellisée « ville créative design UNESCO » depuis 2010, la ville de Saint-Etienne a fait du design un étendard et un levier de notoriété et d’attractivité à l’échelle internationale, en participant notamment à l’exposition universelle de Dubaï en 2021.

La création industrielle du XIXe siècle laisse ainsi place aux « industries créatives » du XXIe siècle et à leurs acteurs : designers, agences de communication, médias locaux, étudiants et salariés de start-ups accueillis dans les bâtiments réhabilités de l’ancienne manufacture. L’université de Saint-Etienne a inauguré en 2021 un nouveau bâtiment sur ce campus, où sont localisées des formations et laboratoires de recherche en sciences et techniques, notamment en optique, ingénierie et sciences des matériaux.

Plus à l’Est, le quartier de la Plaine-Achille accueille de grands équipements sportifs et culturels. Le site, transformé en parc urbain en 2011, abrite un palais des expositions, en cours de réaménagement au Sud de l’image lors de la prise de vue, une piscine avec un bassin olympique, un palais des spectacles, fermé après l’ouverture du zénith de Saint-Etienne Métropole en 2008 à quelques mètres de là, dont le toit blanc et la forme géométrique en « entonnoir » ressortent au centre de l’image. La Comédie de Saint-Etienne, centre dramatique national créé par Jean Dasté en 1947, a déménagé du quartier populaire de Beaubrun à la Plaine-Achille en 2017. En limite Nord de ce quartier, le stade Geoffroy Guichard, haut lieu du football stéphanois, accueille les matches de Ligue 1 et de compétitions internationales (Euro 2016, Coupe du monde de rugby en 2023, Jeux olympiques de 2024). Cette polarité ludique et récréative que constitue le quartier renforce la dynamique tertiaire de Saint-Etienne en assurant un rayonnement des équipements municipaux sur les communes de la métropole. Lors de la campagne de vaccination contre la Covid-19, le « vaccinodrome » de Saint-Etienne Métropole a d’ailleurs pris place dans la salle omnisport puis l’ancien palais des spectacles de la ville, tous deux situés dans le quartier de la Plaine-Achille.

Autour, le tissu économique est composé d’un réseau dense de grands groupes et de petites et moyennes entreprises constituant le « Technopôle » de Saint-Etienne, spécialisé dans les secteurs du numérique, de la robotique, de l’ingénierie et des services aux entreprises notamment. Ce quartier est desservi depuis 2019 par une nouvelle ligne de tramway.

 


Manufacture/Plaine-Achille

 

 


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Zoom 5. L’urbanisme résidentiel de Fauriel et des quartiers Sud-Est

Cette image du quartier de Fauriel et son prolongement jusqu’à la colline de La Métare, dans l’angle Sud-Est, témoigne de l’intensité de la production de logements dans les années 1960-1970, avec des formes d’habitat qui contrastent avec l’hypercentre. L’habitat dominant est ici collectif, moins sous la forme de petits immeubles que de grands et longs bâtiments s’élevant sur plusieurs étages. Le long du cours Fauriel, vaste artère urbaine bordée de contre-allées arborées, les immeubles en copropriété accueillent des ménages plutôt âgés et aisés. Au Sud, la population du quartier de La Métare est plus diverse, le quartier accueillant à la fois des barres de logements sociaux et des logements privés. L’orientation des constructions le long des courbes de niveau témoigne de la topographie vallonnée de ce quartier.
    
La végétation y prend une part importante, avec le Parc de l’Europe à l’extrémité du cours Fauriel, au Sud-Est de l’image, le Jardin des Plantes abritant l’opéra de Saint-Etienne (au Nord-Ouest), mais aussi les parcelles végétalisées des pavillons individuels situés dans les quartiers collinaires (notamment Vivaraize et Villeboeuf, de part et d’autre du cours Fauriel). Ce quartier est très bien relié à la route nationale 88, permettant de rejoindre la vallée du Gier puis Lyon.

 


Fauriel

 

 


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Zoom 6. En lisière de la ville : Saint-Priest-en-Jarez et les espaces périurbains

A l’extrémité Nord de Saint-Etienne, la commune de Saint-Priest-en-Jarez constitue une polarité majeure de l’agglomération stéphanoise. Elle accueille en effet le centre hospitalier universitaire (premier employeur du département de la Loire) avec l’Hôpital Nord, la faculté de médecine et plusieurs équipement publics et privés spécialisés dans le domaine de la santé. L’emprise foncière de ce site hospitalier est très importante, en raison notamment des surfaces dédiées au stationnement automobile. Le CHU est localisé en bordure de l’autoroute A72, à proximité de l’échangeur autoroutier de Ratarieux, nœud de communication desservant l’agglomération de Saint-Etienne. Cette accessibilité a d’ailleurs entraîné un développement commercial important, avec un centre commercial visible dans l’angle Sud-Ouest de l’image et des enseignes alignées en bordure de la route départementale. Cet espace est fortement embouteillé en début et fin de journée, au gré des mouvements pendulaires entre la plaine du Forez, les banlieues stéphanoises et la ville-centre.

La disponibilité foncière en périphérie de Saint-Etienne y a entraîné l’installation d’équipements métropolitains d’ampleur comme le principal dépôt des transports urbains (tramways et autobus), visible à l’extrémité Sud-Est de l’image et la station d’épuration de La Porchère, dont les bassins circulaires, visibles du ciel, traitent les eaux usées de la ville de Saint-Etienne et des communes alentours avant de les reverser dans Le Furan.

S’ajoute, enfin, le développement d’un habitat pavillonnaire dans des communes certes sous influence urbaine, mais encore à dominante rurale dans leurs limites Nord (Saint-Priest-en-Jarez, L’Etrat). Des parcelles agricoles sont visibles, prenant parfois des airs de bocage grâce aux haies qui les délimitent. Les lotissements aménagés en lisière de forêt, dans le quart Nord-Est de notre image, accueillent des ménages nettement plus aisés qu’à Saint-Etienne, chacune des maisons possédant sa piscine. Le contraste spatial est saisissant entre la densité de l’urbanisation au Sud et le développement périurbain au Nord, rappelant que la ville de Saint-Etienne s’intègre dans un environnement rural encore marqué, au sein d’une agglomération dans laquelle les inégalités sociales demeurent fortes.

 


Saint-Priest-en-Jarez

 

 


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Images complémentaires

 

Vue générale de l’ensemble de l’agglomération

 

 

Image réalisée par le satellite Sentinel-2B le 14/10/2021
Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2021, tous droits réservés.

 


Repères géographiques

 

 

 

Le Nord-Ouest de l’agglomération staphanoise et St Priest en Jarez

 


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Le développement du péri-urbain le long de la Rocade Ouest

 


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Références ou compléments bibliographiques

BEAL Vincent, CAUCHI-DUVAL Nicolas, GAY Georges, MOREL JOURNEL Christelle et SALA PALA Valérie, 2020, Sociologie de Saint-Etienne, Paris, La Découverte

Ville de Saint-Etienne, 2018, « Un projet urbain pour construire l’avenir d’un territoire », https://fr.calameo.com/read/0005441131b4119eaa674

Etablissement public d’aménagement de Saint-Etienne et Banque des territoires, 2021, « Nouvelle centralité de l’agglomération stéphanoise, le quartier Manufacture Cité du design », https://www.epase.fr/sites/default/files/epase_dossierpresse_fevrier2021_planches_v6.pdf

Sites institutionnels :


Saint-Etienne Métropole : https://www.saint-etienne-metropole.fr/
Ville de Saint-Etienne : https://www.saint-etienne.fr/
EPASE : https://www.epase.fr/

Contributeur

Proposition : Anthony Clément, professeur agrégé de géographie, Lycée Raynouard, Brignoles