Ariane 5, plus de 700 tonnes sur la balance, s’élève dans les airs depuis le Centre spatial Guyanais.
Ariane 5, plus de 700 tonnes sur la balance, s’élève dans les airs depuis le Centre spatial Guyanais. © CNES/ESA/Arianespace/Optique Vidéo CSG/P Baudon, 2022

Les fusées

C’est la question que l’on se pose à chaque fois que l’on voit une fusée de plusieurs tonnes s’élever dans les airs : mais comment ça marche ? 

Décollage du lanceur Ariane 5 VA 259 le 13 décembre 2022.
Décollage du lanceur Ariane 5 VA 259 le 13 décembre 2022. © CNES/ESA/Arianespace/Optique Vidéo CSG/P Baudon, 2022

Action-réaction… et propulsion

Les fusées sont des moyens de transport pour amener un satellite, une sonde (ou une capsule avec des astronautes) dans l’espace. Quels que soient leurs passagers ou leur destination, toutes les fusées fonctionnent selon le même principe physique, celui de l’action-réaction. Il a été expliqué par le savant américain Isaac Newton au 17e siècle : lorsqu’un corps A exerce une force sur un corps B, le corps B exerce en retour une force sur le corps A de même grandeur mais dans le sens opposé. 

En clair : la fusée exerce une force sur le sol en éjectant des gaz ; en réaction, le sol exerce une force sur la fusée… qui décolle. La force délivrée s’appelle la poussée, elle s’exprime en Newton. C’est le même principe qui s’applique lorsque que vous gonflez un ballon de baudruche, puis que vous lâchez l’ouverture : l’air est éjecté par l’orifice ce qui entraine la propulsion du ballon dans le sens opposé… pfffffffffuuuuittt ! 

Illustration du principe d'action-réaction. Le carburant éjecté propulse le véhicule dans la direction opposée.
Illustration du principe d'action-réaction. Le carburant éjecté propulse le véhicule dans la direction opposée. © SESP

Fusée ou lanceur ?

Fusée est un mot très générique, qui recouvre les pièces d’artillerie comme les fusées de détresse, (qui fonctionnent sans moteur) ou encore les missiles. Les fusées spatiales sont aussi appelées lanceurs car elles servent à… lancer ! À placer sur orbite un objet. Notez qu’il existe aussi des fusées-sondes, de petites fusées qui atteignent l’atmosphère mais n’ont pas assez de vitesse pour se mettre en orbite. Elles sont par exemple utilisées pour faire des mesures météorologiques ou des recherches en microgravité.

Décollage, puissance maximum ! 

Le décollage d’une fusée est toujours très impressionnant, presque surnaturel. Pas de magie pourtant mais beaucoup de physique et de l’ingénierie.

  • S’arracher de l’attraction terrestre

Continuons notre petit cours de physique avec la loi de la gravitation universelle (de Newton, encore lui), qui dit que tous les corps de l’Univers s’attirent les uns les autres, plus ou moins fortement en fonction de leur masse. C’est cette loi qui maintient les planètes en bon ordre autour du Soleil et qui fait que nous gardons les pieds sur Terre. Einstein viendra compléter tout cela avec sa théorie de la relativité au début du 20e siècle.

Ainsi, la Terre attire à elle la fusée posée sur son pas de tir. Lutter contre cette attraction, mais aussi vaincre la résistance de l’air, demande donc de l’énergie. Beaucoup d’énergie. Et c’est là tout le rôle du lanceur et de ses énormes propulseurs : exercer assez de force pour s’arracher de cette attraction, et prendre assez de vitesse pour aller placer sur sa trajectoire, et à une vitesse élevée, le satellite ou la capsule.

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  • Effeuillage

L’attraction, qui diminue en s’éloignant de la Terre, est maximale au sol. C’est donc au moment du décollage que la poussée doit être la plus forte. Pour Ariane 6 par exemple, la poussée au décollage est assurée à 90% par ses propulseurs situés autour du corps central. Ce sont comme deux pétards de 22 m de haut qui se vident de leurs carburants (appelés ergols dans le spatial) en 1 minute environ. C’est alors qu’ils sont largués. En effet, la fusée, au cours de son ascension, abandonne les éléments dont elle n’a plus besoin : les propulseurs, mais aussi l’étage inférieur qui assure la poussée pendant les 10 premières minutes. C’est de la masse en moins et donc de la vitesse en plus. 

Ainsi, le lanceur accélère au cours de son ascension pour atteindre la vitesse nécessaire à la satellisation de son ou ses passagers. La coiffe, la partie haute de la fusée, est quant à elle larguée quand la fusée sort de l’atmosphère, vers 100 km d’altitude. En effet, la densité de l’air est alors plus faible, et ne risque plus de provoquer un échauffement qui pourrait endommager le satellite.

Illustration du largage des 2 propulseurs d'Ariane 6 en plein vol.
Illustration du largage des 2 propulseurs d'Ariane 6 en plein vol. © ArianeGroup

De la masse en moins

Au cours de son ascension, la fusée abandonne les éléments dont elle n’a plus besoin : c’est de la masse en moins et donc de la vitesse en plus. Les éléments largués retombent dans l’océan, ou brûlent dans l’atmosphère.

Au cœur des moteurs

Dans ce « bus spatial » qu’est une fusée, le passager (satellite, capsule…) ne représente qu’1% de la masse totale. Le reste, ce sont les réservoirs, les carburants et les moteurs. Ils sont répartis dans les différents morceaux de la fusée, des étages empilés les uns sur les autres. Le Starship par exemple, l’énorme fusée lunaire (et peut-être un jour martienne) de Space X, la plus puissante jamais conçue, possède 39 moteurs (appelés Raptor), dont 33 dans l’étage inférieur qui assure le décollage. 

Les moteurs des fusées fonctionnent pour la plupart grâce à une propulsion chimique : les gaz sont produits par une réaction chimique entre deux produits : le combustible et le comburant, qui permet d’initier la combustion du combustible. Dans le spatial, ces produits sont appelés ergols.

  • Ces ergols peuvent être solides. Combustibles et comburants sont alors pré-mélangés sous la forme d’une gomme, d’une pâte caoutchouteuse. Les propulseurs d’Ariane 6 fonctionnent ainsi. Ils sont faciles à stocker et à mettre en action mais il est impossible de les éteindre une fois allumés. 
  • Les ergols peuvent être aussi stockés à l’état liquide.

Un gros avantage dans le fait d’utiliser des ergols liquides est de pouvoir arrêter un moteur puis de le rallumer. Oui, oui, c’est très utile : par exemple, cela permet de rendre les étages supérieurs plus performants ou de les désorbiter, c’est-à-dire de ne pas les laisser comme débris sur leur orbite. 

En propulsion liquide, c’est le couple oxygène/hydrogène qui est clairement le plus performant. Il produit des gaz dont la vitesse, quand ils sont éjectés du moteur, est 50% plus grandes qu’avec d’autres ergols. Mais l’hydrogène et l’oxygène ne deviennent liquides qu’à très basse température (-182°C pour l’hydrogène et -253°C pour l’hydrogène). Leur manipulation est très délicate. C’est ainsi que fonctionne le moteur Vulcain du premier étage des Ariane 5 et 6. On appelle cela la propulsion liquide cryotechnique.

Fonctionnement d'un moteur cryotechnique.
Fonctionnement d'un moteur cryotechnique. © Domaine public

Oxygène/méthane

Quelques moteurs à propulsion liquide cryotechnique fonctionnent avec le couple oxygène/méthane, comme le Raptor de la société américaine Space X. Le gros avantage est que le méthane devient liquide à « seulement » -161 °C. C’est un peu plus simple à gérer. Mais les performances sont un peu moins importantes qu’avec le couple oxygène-hydrogène. L’Europe travaille aussi sur un moteur fonctionnant avec de l’oxygène et du méthane, c’est le moteur Prometheus.

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Attention au départ

Envoyer une fusée dans l’espace, c’est aussi calculer sa trajectoire idéale. Un travail assuré par des ingénieurs spécialisés en mécanique spatiale (oui, il faut aimer les maths et la physique !) Pas question de tracer une ligne droite vers la destination. Les astres, la Terre… dans l’espace, tout est toujours en mouvement, et les objets s’attirent les uns les autres. 

Selon les missions, ces calculs sont plus ou moins complexes. Placer un satellite en orbite autour de la Terre est ainsi un peu plus simple que d’envoyer une sonde en orbite autour de Mars par exemple. Et rejoindre la Station Spatiale Internationale, à 400 km d’altitude, est moins complexe qu’atteindre une destination lointaine comme Jupiter, qui suit sa propre course autour du Soleil.

Dès la conception du satellite, de la sonde d’exploration ou de la capsule, les ingénieurs déterminent donc le parcours mais aussi le moment exact pour faire décoller la fusée. Ce moment qui permettra au passager de rejoindre sa position finale, à l’endroit et au moment requis, avec la bonne vitesse pour mener à bien sa mission. Ce moment idéal, c’est ce qu’on appelle la fenêtre de lancement. Le temps pendant lequel elle reste ouverte dépend de nombreux facteurs. Par exemple, la fenêtre de lancement vers Mars ne s’ouvre que tous les 26 mois environ. Mieux vaut ne pas la manquer !

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Quizz

Y’a-t’il un pilote dans la fusée ? 

A - Non, la fusée est pilotée depuis un centre de contrôle, sur Terre.

B - Seulement quand elle transporte des astronautes qui prennent les commandes de la fusée

C - Non, toutes les fusées sont automatiques

D - Oui, et le pilote s’éjecte juste avant de quitter l’atmosphère et redescend sur Terre à l’aide d’un parachute

C et un peu B : Qu’il emporte ou non des passagers, le lanceur fonctionne toujours de manière automatique. Aucun pilote ne prend les commandes de cet automate géant pendant la traversée de l’atmosphère. C’est un ordinateur de bord qui contrôle la trajectoire pendant la phase de propulsion. Dans le cas d’un vol habité, les astronautes peuvent en cas de problème prendre les commandes de la capsule, une fois celle-ci larguée par la fusée.