La baie de Disko est un site exceptionnel de la côte orientale du Groenland. Il regorge de glaciers, dont l’un des plus actifs au monde, de fjords et de minéraux volcaniques. Au niveau biologique s’y développe une biodiversité d’une grande richesse du fait de la présence de phytoplancton essentiel au développement de nombreux poissons et mammifères marins. Ces caractéristiques sont reconnues internationalement et expliquent le classement du fjord d’Ilulissat au Patrimoine mondial de l’Unesco. De ce fait, axé sur la découverte du Grand Nord et fondé sur une forte patromonialisation, le tourisme international se développe sensiblement. Il permet ainsi une diversification de l’économie de la baie, jusqu’ici essentiellement tournée vers le commerce de la pêche.
Légende de l'image
Cette image de la cote ouest du Groenland, laisse apparaitre la ville d'Ilulissat et le fjord glacé avec ses énormes icebergs dans la baie de Disko. L'image de cette région a été prise par le satellite Sentinel 2A le 1 août 2019. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.
Ci-contre, la même image satellite issue de Sentinel-2A, présente quelques repères géographiques de la région.
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Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2019, tous droits réservés.
Repères géographiques
Présentation générale
Ilulissat et la baie de Disko :
la patrimonialisation de sites exceptionnels sur la Côte orientale du Groenland
La baie de Disko : un site exceptionnel sur la Côte orientale du Groenland
L’image satellite couvre deux ensembles bien distincts. Toute la moitié orientale apparaît blanche car elle correspond à l’immense inlandsis du Groenland, une des plus importantes calottes glaciaires au monde avec celle du continent antarctique, d’une moyenne de 1 500 m de hauteur. On distingue à sa surface des lacs de fonte en bleu et la vieille glace en gris rosé. De ses flancs se détachent d’immenses glaciers qui descendent vers la mer avec en particulier du nord vers le sud les glaciers Eqi, Sermeq Kujalleq et Nordenskjolds. Toute la moitié occidentale correspond à un vaste plateau profondément marqué par la morphologie glaciaire dont le contact avec la mer s’effectue par une vaste côte à fjords.
Nous sommes ici au Sud-Ouest du Groenland – une immense île de 2,1 million km2 couverte à 80 % de glace - bordé par la mer de Baffin où se déploie la baie de Disko bien visible au centre de l’image. S’étendant sur 150 kilomètres du nord au sud et 100 kilomètres d’est en ouest, c’est la plus grande baie ouverte de l’ouest du Groenland.
Cette baie appartient à la commune d’Ilulissat. Elle est constituée au sud par de petites îles dans l’archipel de la ville d’Aasiaat, au sud-est par les établissements de Qasigiannguit et Ilimanaq, au centre-est par le fjord - glacier et la ville d’Ilulissat et à l’ouest par l’île Qeqertarsuaq. C’est un désert humain comptant environ 10 000 habitants, dont près de la moitié vit à Ilulissat, la grande ville de la baie portée par l’économie touristique.
Cette baie connaît de fortes contraintes climatiques : les étés y sont froids et les hivers extrêmement froids. À titre d’exemple, à Ilulissat la température annuelle moyenne est de -5° degrés et certains hivers connaissent des -20° de température malgré sa position littorale, tandis que la moyenne des précipitations est de 20 millimètres. Ainsi, pendant les six mois d’hiver, la mer est recouverte par la banquise et ne redevient navigable que durant les six mois.
Des eaux d’une grande richesse halieutique
Ces eaux sont extrêmement poissonneuses du fait des sels nutritifs libérés par la fonte des neiges et des glaces en été. Les eaux de fontes fraîches forment en effet une couche d’eau douce plus légère, et donc plus flottante, que l’eau de mer, où le phytoplancton peut se développer grâce à la lumière du soleil. C’est pourquoi les phytoplanctons abondent sur la côte et dans les fjords du Groenland en été. Ils sont reconnaissables à leur couleur verte visible sur l’image, alors que l’eau qui entre dans la baie - provenant du courant du Groenland occidental - est plutôt bleue, salée et chaude.
Les phytoplanctons non seulement aspirent le dioxyde de carbone mais sont également essentiels à la chaîne alimentaire océanique, puisqu’ils constituent la nourriture de nombreuses espèces de poissons. La région présente donc une biodiversité exceptionnelle : poissons benthiques et pélagiques, phoques migrateurs (phoque du Groenland, à capuchon, barbu et annelé), baleines boréales et à bosse, orques, narvals, mouettes, sternes, eiders, guillemots, cormorans et fulmars, auxquels répondent renards arctiques, lièvres et lagopèdes. Ils sont également importants pour l’économie de la baie de Disko qui s’est développée grâce à la pêche au flétan et à la crevette et grâce à la chasse à la baleine et aux phoques.
Une longue histoire : de la dépendance à l’autonomie
Cette richesse explique l’ancienneté du peuplement puisque dès 2500 avant J.-C. les Saqqaq, une civilisation préhistorique du Groenland, étaient présents sur cette baie. Erik le Rouge fut le premier Européen à la découvrir, en 985. C’est d’ailleurs lui qui, de retour de son expédition, nommera le territoire du Groenland « Terre verte ». Les colons groenlandais ont profité des richesses de la baie : des ivoires de morses, des peaux de phoques, des baleines, pour commercer avec l’Islande, les îles britanniques et l’Europe. Cependant, les colonies vikings seront peu à peu abandonnées avec l’avènement du Petit Âge Glaciaire au XVème siècle, la baie de Disko devenant inaccessible du fait de fréquentes et violentes tempêtes, de fortes précipitations et des basses températures, rendant la navigation des bateaux difficile.
Cette baie sera ensuite colonisée par les Danois au XVIIIème siècle. Cette colonisation (1721-1953) est parfois présentée comme du « néo-colonialisme » ou encore qualifiée de « pacifique » (Petersen, 1995) car il n’y a pas eu d’oppressions par la force, c’est le pouvoir économique qui a prévalu par l’établissement de la Société Royale Groenlandaise de Commerce. Avant la colonisation, la population du Groenland était nomade et vivait de la chasse et de la pêche (Mikkelsen, Ingerslev, 2008). Si les colons n’ont pas interféré dans la vie des chasseurs groenlandais lors de la période coloniale, les techniques, elles, ont évolué. Les chasseurs ont commencé à utiliser des armes à feux et les pêcheurs des filets de pêches en nylon. Cette évolution technique a eu pour effet une augmentation de la pression sur le milieu naturel. Le commerce traditionnel des produits de la chasse a fait place à une “relation d'échange précapitaliste” (Petersen, 1995), règlementée et menée par un monopole d’état (Dunbar, 1947) et caractérisée par des exportations de produits au Danemark.
En 1953, le Groenland passe du statut de colonie à celui de comptoir d’outre-mer mais la situation de dépendance vis-à-vis du Danemark s’est même renforcée (Nielsen, 1975 ; Petersen, 1995 ; Maegaard, Køhler Mortense, 2018). Le monopole commercial d’État danois a été aboli dans les années 1950, lorsque les entreprises piscicoles danoises privées ont été autorisées à opérer au Groenland sous contrôle gouvernemental. Il est devenu de plus en plus difficile de vivre uniquement de la chasse avec l’arrivée des grandes industries du poisson dans les villes. Ainsi de nombreux Groenlandais sont devenus pêcheurs à plein temps, tandis que d’autres continuaient de chasser et de pêcher le soir et le week-end en dehors de leurs heures de travail.
Le Groenland a obtenu son autonomie renforcée vis-à-vis du Danemark en 2009. Avec cette autonomie, les noms de lieux danois ont été remplacés par les noms inuits. C’est le cas de la colonie de Jakobshavn – le port de Jacob - devenue Ilulissat, la troisième ville du Groenland. Ainsi nous pouvons voir sur l’image l’île Qeqertarsuaq à l’ouest, l’archipel d’Aasiaat au sud, Qasigiannguit et Ilimanaq au sud-est et la ville d’Ilulissat à l’ouest.
Le développement touristique des hautes latitudes : un nouveau levier de développement
Les gouvernements groenlandais et danois ont récemment décidé de diversifier l’économie du Groenland qui pour l’instant repose à 50 % sur la pêche, ce qui rend le Groenland par trop dépendant de la baisse des prix et/ou de l’effondrement des stocks. C’est de cette dépendance à l’industrie de la pêche que la baie de Disko cherche à échapper. Dans ce contexte, elle a déployé sur la baie une industrie touristique.
Le tourisme dans les régions polaires relevant du « cryotropisme » - soit l'attirance pour les régions polaires associée aux paysages englacés et à l'aventure - s'accélère même si le Groenland reste l'une des régions parmi les moins fréquentées (Delmas, 2014). Jusqu'en 2005 les touristes recherchaient en particulier la « wilderness », l'inconnu et le «sauvage». Le Groenland est devenu un symbole du changement climatique. Parallèlement à cela, le fjord d’Ilulissat a été classé au patrimoine mondial de l’Unesco. La patrimonialisation du fjord d'Ilulissat est depuis devenu un des leviers de la médiatisation du changement climatique. Ainsi, régulièrement, des journalistes s’y rendent pour photographier les « derniers icebergs ».
Ce tourisme se concentre sur la période estivale, de juin à fin août. Son dynamisme est considérable : dans la ville d’Ilulissat, le nombre de nuitées a doublé ces dernières années en passant de 35 169 à 71 739 entre 2004 et 2018. Des bateaux de croisière accostent également, amenant des centaines de touristes. Le nombre de passagers de ces bateaux était de 8 250 en 2015 et 12 914 en 2018. Cet afflux touristique provoque une pression sur l’environnement et notamment sur sa biodiversité. Ainsi, le passage des touristes sur les chemins de randonnée est de plus en plus visible et le sol végétalisé est désormais à nu. Le développement du tourisme offre, en contrepartie, une source de revenus non négligeable et dope la demande d'artisanat traditionnel (Delmas, 2014).
Cette récente « mise en tourisme » du Groenland attire au total dans la baie de Disko de plus en plus de visiteurs. Face à ce phénomène, une concertation entre les gestionnaires du site et les responsables de l'économie du tourisme du Groenland devient une nécessité afin de promouvoir un tourisme réellement durable. Un des enjeux de ce nouveau type de tourisme serait d’arriver à un allongement des durées des séjours permettant aux visiteurs de prendre le temps d'essayer de comprendre les paysages «naturels» et culturels groenlandais.
Zooms d'étude
Le fjord d’Ilulissat : le tourisme géologique dans la baie de Disko
Repères géographiques
La ville d’Ilulissat : une petite capitale régionale fondée sur le tourisme
Comme le montre l’image, la petite ville d’Ilulissat est située en position d’abri au fond de la baie de Disko, à peu près au centre de celle-ci dans son extension nord/sud. Son site littoral valorise un espace plan relativement large, protégé au sud-est par une ligne de hauteurs et dont deux échancrures permettent un accès relativement protégé à la mer.
A la lecture de l’image, on est frappé par deux composantes majeures. D’un côté, l’émergence, relativement étroite puisqu’elle fait quelques kilomètres de large, du vieux bouclier qui sert de support à la puissante calotte glaciaire couvrant le Groenland. Les traces de l’érosion glaciaire y sont prégnantes : reliefs rabotés, érosion bien différenciée des roches selon leur dureté, survalorisation des lignes de fracture, lacs de surcreusement glaciaire… De l’autre, le site est presque collé – au sud - à un très puissant fjord, terme qui définit une vallée glaciaire envahie par la mer, réoccupé actuellement par un très vaste glacier issu de la calotte glaciaire plus à l’est.
Du fait de sa position à environ 350 kilomètres au nord du cercle polaire arctique, la ville d’Ilulissat voit le soleil ne pas descendre sous l’horizon au cœur de l’été (« soleil de minuit ») alors qu’il ne se lève pas au plus profonde d’hiver. Son nom signifie « iceberg » en groenlandais, car on en voit une grande quantité du fait de la présence d’un très important glacier à proximité de la ville, le Sermeq Kujalleq.
Elle est par sa population la 3ème plus grande ville du Groenland. Sa population s’élève à 5 500 habitants. Son organisation urbaine fait apparaître une nette spécialisation fonctionnelle. Au sud de la ville se situe la zone portuaire où sont installés les entrepôts et d’où partent les bateaux de pêche. L’aérodrome est situé au nord de la ville. L’espace entre la ville et le glacier, plus au sud, est équipé de nombreux sentiers de randonnés qui permettent d’accéder au balcon dominant la zone de vêlage des bancs d’icebergs en toute sécurité.
Construit seulement en 1983, l’aérodrome a permit le désenclavement de la ville, qui n’était accessible que par la mer, et a été un facteur important de développement du tourisme. Il assure un trafic vers Nuuk, la capitale du Groenland, Aasiaat et, surtout, Kangerlussuaq. Cette dernière ville, située au sud, accueille en effet le grand aéroport international du Groenland et permet ensuite de rejoindre le Danemark ou Reykjavik, la capitale de l’Islande. La transformation de l’aérodrome en aéroport atlantique est prévue, l’extension de la piste permettrait d’accueillir des avions de plus grands gabarits et venant de plus loin.
Le glacier Sermeq Kujalleq : un laboratoire de l’étude du changement climatique
Sur le côté est de la baie se trouve le Sermeq Kujalleq, un glacier immense d’une épaisseur de 850 mètres. C’est l’un des glaciers les plus productifs au monde du fait des caractéristiques de son alimentation : sa vitesse d’écoulement est de 30 mètres par jour et il libère environ 6,25 milliards de mètres cube d’icebergs par an.
Il est souvent présenté par certains chercheurs comme le seul vestige, dans l'hémisphère Nord, de la dernière période glaciaire du quaternaire. Il permettrait de couvrir les dernières glaciations (environ 100 000/10 000 ans avant notre ère), la déglaciation de l’Holocène précoce (10 000/5 000 ans) et la néoglaciation de l'Holocène tardif (environ 5 000/100 ans) (Mikkelsen, Ingerslev, 2008). Il est surtout considéré comme une archive des changements climatiques passés, entre 250 000 et environ 11 550 ans BP - before present (Dansgaard et al, 1993; Alley, 2000). Rappelons en effet que la neige - tassée puis comprimée - devient de la glace et que ce faisant, cette dernière renferme les gaz présents dans l’air au moment de sa formation. Ainsi cette glace est un réservoir de gaz et de CO2 sur des milliers d’années.
Pour ces raisons, il s’agit d’un site très étudié comme en témoignent les nombreux travaux dont il a fait l'objet. Il est considéré comme une bibliothèque de l’histoire climatique de la Terre. Et son évolution actuelle est étudiée en interaction avec le changement climatique afin d’aider à prévoir les réactions futures des calottes et des ruisseaux glaciaires. Ce site a également une importance historique. Le fjord glaciaire Sermeq Kujalleq a également constitué un espace de chasse pour les Sermermiut (« peuple glaciaire ») et des vestiges archéologiques y sont présents et visibles.
Un site glaciaire exceptionnel classé au patrimoine mondial de l’UNESCO
C'est pour l'ensemble de ces raisons que le site a été inscrit en 2004 sur la liste du patrimoine mondial de l'UNESCO. Deux critères de l'article 44 ont prévalu : « être exceptionnel » et « contenir des phénomènes naturels superlatifs ou des zones d'une beauté naturelle et d'une importance esthétique exceptionnelle ». La qualification de ce site comme « patrimoine naturel » sous-entend que ce fjord « rejette toute trace d'intervention humaine » (Héritier, Guichard-Anguis, 2008).
Ce choix pose la question de la protection d'un patrimoine naturel qui, par définition, évolue sans cesse. En le « protégeant », ne le rend-t-on pas déjà moins naturel ? Ce site n'est-il d'ailleurs pas devenu patrimoine du fait de sa valorisation touristique et des connaissances scientifiques ? Ce « patrimoine naturel » pourrait alors être considéré comme une « appropriation des potentiels et des ressources de l'environnement » à des fins touristiques selon Héritier et Guichard-Anguis. Au total, l'étude de ce glacier pose la question de la compatibilité entre sa patrimonialisation et l'émergence possible d'un tourisme respectueux de l'environnement. Comment, en somme, concilier conservation, valorisation du site et respect de l'environnement ?
L’île Qeqertarsuaq : sur la trace des Inuits
Repères géographiques
Un milieu insulaire et volcanique étudié par une station arctique de recherche
Sur l’image générale, la baie de Disko est fermée au nord-ouest par une ile importante, dont on ne voit cependant qu’une petite partie, et dont les crêtes sont couvertes de neige et de glace. C’est l’île Qeqertarsuaq qui est située à 100 kilomètres de la ville d’Ilulissat, c’est-à-dire à trois heures de bateau. Son nom signifie « grande île » en groenlandais. Il s’agit de la plus grande île du Groenland. Culminant à environ 1 800 m. d’altitude, elle est bien plus jeune que le vieux socle continental qui s’étend entre la mer et la Baie de Disko et la calotte glaciaire car elle est d’origine volcanique et a été formée il y a 25 à 65 millions d’années.
Cette montagne de basalte porte pour partie des sources d’eau chaudes. L’autre partie est couverte de glaciers de calotte sommitale, dont le fameux Lyngmarksbræen, de chutes d’eau de fonte et de prairies, classées en zones dites Ramsar (zones de reproduction et zones de mue). Du fait de sa richesse biologique, la Station Arctique de la Faculté des Sciences de Copenhague y a ouvert une base consacrée à la botanique et de la géologie arctique.
Redécouverte et patrimonialisation du passé
Bien située, cette île volcanique a d’abord été habitée par des Paléo-Esquimaux il y a près de 5 000 à 6 000 ans. Puis la colonie baleinière danoise de Godhavn s’est installée en 1773, ouvrant ainsi un cycle spéculatif et marchand.
L’île renferme également du fer tellurique - ou « natif » - à Uivfaq. Ce type de fer, extrêmement rare, résulte de la réduction de silicates par du carbone du fait de la rencontre entre roches volcaniques ferreuses en formation et couches de charbon. Ce fer a servi aux Inuits à la fabrication de leurs outils. Il a ensuite été analysé et décrit en tant que fer tellurique en 1879 par le géologue Knud Johannes Vogelius Steenstrup.
Une diversification de la pêche au tourisme
Aujourd’hui, environ mille habitants vivent à l’année sur l’île. Il y a un petit pôle principal – Qeqertarsuaq - au sud de l’île et un petit village, Kangersluk, au nord de l’île. A Qeqertarsuaq se trouve le musée local, un restaurant, un hôtel ainsi que le port de l’île. L’activité professionnelle principale est la pêche, avec en particulier l’usine de Royal Greenland.
Mais comme sur l’ensemble de la baie, cette économie insulaire cherche à se diversifier. En effet, il s’agit d’un des seuls sites du Groenland à proposer des tours en chiens de traîneaux durant l’été, sur le glacier Lyngmarksbræen. Au Groenland, l’idée est que les chiens de traîneaux ne sont pas des chiens de compagnie mais des outils de travail initialement utilisés par les chasseurs et les pêcheurs inuit depuis environ mille ans pour transporter des charges lourdes sur de longues distances. Peu habitués aux caresses, ils peuvent facilement devenir agressifs.
Le glacier Eqi : sur les traces de Paul-Émile Victor
Repères géographiques
Une marge accessible, au nord du système
Comme le montre le nord de l’image, à 80 kilomètres du fjord d’Ilulissat se trouve le glacier Eqi. C’est l’un des plus actifs du Groenland, même s’il est moins grand que le Sermeq Kujalleq : il ne mesure en effet qu’environ cinq kilomètres de large. Il est situé juste en en face de la longue île Allutoq, l’ancienne « Arve-Prinsens » en danois. Cette île de 655 km2 a vu son principal village, Ataa, abandonné dans les années 1960. On assiste en effet au Groenland ces dernières décennies à une accélération de la crise démographique et économique des petits villages les plus marginaux et au déclin des communautés les plus isolées au profit d’une polarisation croissante de la population et des activités dans les villes principales, telles Nuuk, la capitale, ou Ilulissat.
Le puissant glacier Eqi se jette dans le fjord Ataa. Ce glacier fait partie des attractions touristiques phares de la baie de Disko car il offre la possibilité d’admirer, depuis un bateau, les gigantesques blocs de glace qui s’en détachent, ils vêlent, pour former d’immenses icebergs. Ce site exceptionnel est accessible en une journée, puisqu’on peut s’y rendre par bateau en quelques heures depuis la ville d’Ilulissat.
Cependant, des séjours plus longs complètent cette première offre touristique de base. Ils offrent alors non seulement la possibilité de passer une nuit en lodge à proximité du glacier et de savourer une cuisine raffinée, mais également de découvrir le glacier de la gigantesque calotte groenlandaise de près sur les traces de Paul-Émile Victor, devenu ainsi un produit iconique de la Baie de Disko.
Paul-Emile Victor : une marque du tourisme d’aventure arctique
C’est en effet ce glacier qui a été étudié par l’Expédition Polaire Française de 1948 dirigée par Paul-Émile Victor. Au cours de l’été 1948, ils établirent une base près du glacier et ouvrirent une piste jusqu’à la calotte glaciaire ce qui leur permit de réaliser de nombreux relevés scientifiques jusqu’en 1953. Avant eux, H.J. Rink en 1848, M.P. Porsild en 1913 et Alfred Wegener en 1928 avaient déjà lancé des expéditions sur ce site. Actuellement les traces des expéditions de Paul-Émile Victor - dont le campement de base - sont encore visibles près du port dans lequel débarque le flot des touristes.
Le nom de l’explorateur a même été donné au port et au café de l’un des tours-opérateurs danois établis sur le site. Cet opérateur a fait construire des lodges de luxe pour ses clients. Ces lodges sont dits « durables », puisque construites en matériaux durables et utilisant l’énergie solaire. Il propose différents types d’expéditions, d’une seule journée ou avec nuitée.
Différentes randonnées sont proposées : de 3 heures jusqu’au delta, de 4-5 heures des lodges jusqu’à la moraine du glacier, de 8 – 10 heures sur la calotte glaciaire. Une randonnée sur les traces de Paul-Émile Victor est également proposée, menant jusqu’à la calotte en passant par la piste tracée par l’explorateur. Ce chemin permet de découvrir les vestiges des véhicules utilisés pour le transport des fournitures de l’expédition. Des tours-opérateurs spécialisés dans le tourisme aérien proposent également de survoler le glacier en hélicoptère.
Image complémentaire
La péninsule de Nugssuaq
En image complémentaire se déploie la région au nord de la Baie de Disko. On distingue au sud de l’image l’Atta Fjord et l’île Allutoq et le grand Vaigat Strait d’orientation est/ouest qui rejoint la Mer de Baffin.
Au centre de l’image se déploie l’immense péninsule de Nugssuaq aux reliefs tourmentés qui culminent à 2 000 m. d’altitude, aux fjords envahis par de magnifiques lacs d’eau douce sur le modèle des lochs écossais et aux glaciers de chaîne de montagne plus restreints mais spectaculaires de modèle plus alpins. L’image permet de comparer les deux systèmes glaciaires et met bien en évidence l’immensité et la spécificité de la calotte glaciaire du Groenland. Enfin, elle est bordée au nord par le Qarajags Isfjord qui se jette lui même dans le gigantesque Umanak Fjord.
Péninsule de Nugssuaq
D’autres ressources
Sur le site Géoimage du CNES
Clara Loïzzo : Groenland. Nuuk : la capitale du Groenland autonome
De la même auteur sur le site Géoconfluences de l’ENS de Lyon
Poiret A., 2020, «Le fjord d'Ilulissat (Groenland), site classé patrimoine mondial de l'UNESCO, étude de cas d'une patrimonialisation», Géoconfluences,
Bibliographie
Dansgaard,W., Johnsen, S.J., Clausen, H.B., Dahl-Jensen, D., Gundestrup, C.U., Hvidberg, C.S., Steffensen, J.-P., Sveinsbjørnsdottir, A.E., Jouzel, J., Bond, G. 1993, Evidence for general instability of past climate from a 250 kyr ice core record», Nature 364,p. 218- 220.
Delmas A., 2014, «Terre des Hommes, pays des glaces. L'expérience touristique au Groenland», Mondes du Tourisme, 10.
Dunbar M. J., 1947, “Greenland During and Since the Second World War”, in Stefansson, Vilhjalmur, Encyclopedia Arctica 14: Greenland, Svalbard, Etc. Geography and General 1879-1962, Ed. Vilhjamur Stefansson.
Héritier S., Guichard Anguis S., 2008, «Le patrimoine "naturel", entre culture et ressource», Géographie et cultures, 66.
Petersen R., 1995, “Colonialism as seen from a former colonized area”, Arctic Anthropology, Vol 32, no. 2, pp118-26,
Le site Géoconfluences de l’ENS de Lyon : les régions de l’Arctique
Contributrice
Andréa Poiret, Étudiante, master Géographie et master Patrimoine et musées - Paris I Panthéon-Sorbonne