Lorraine : Metz, la revanche d’une métropole ?

Symbolisée par son immense gare ferroviaire qui trône près de l’ancien château d’eau tout aussi monumental, Metz a longtemps fait figure de bastion défensif et de vitrine depuis sa réunion au royaume de France en 1552 jusqu’à son retour dans le giron de la République, en passant par l’annexion à l’Empire allemand. De là est née une image qui tend vers le stéréotype. De là, une spécialisation et une emprise encore visibles sur le territoire. Pourtant la fin des années 2000 a sonné le glas de cette singularité, entre inauguration du centre Pompidou-Metz et restructuration des effectifs militaires. Dans un contexte de concurrence qui demeure vive avec sa voisine nancéienne, Metz accède au statut de métropole en janvier 2018. Dans ce contexte, un certain nombre d’attributs et de marqueurs de la métropole sont visibles sur son territoire. Les choix récents des différents acteurs en font un cas de transition urbaine et de recomposition d’un territoire toujours en mouvement.

 

Légende de l’image satellite

 

L'image de Metz grande ville située dans la région Grand Est, a été pris le 29 septembre 2016 par un satellite Pléiades. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles, de résolution native à 0,70m, ré-échantillonnée à 0,5m.

Ci-contre, l'image satelitte présente quelques repères géographiques de la région.

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Présentation de l’image globale

Metz, les mutations d’une métropole de la France du Nord-Est

Metz : une double logique radioconcentrique et axiale

Située à une altitude moyenne de 203 mètres, Metz est une commune de 116 429 habitants installée sur la vallée de la Moselle, quasiment à mi-chemin entre sa source dans le massif des Vosges et sa confluence avec le Rhin, 560 km plus loin en aval. C’est dans cette partie centrale que la vallée est la moins encaissée. Mais l’image laisse apparaître un contraste entre le flanc ouest plus pentu et plus boisé, et le flanc est, moins accidenté et avec une plus forte emprise agricole. C’est à l’est que l’urbanisation est la plus étalée et que la ville prend le plus de distance avec sa rivière.

La partie ouest de l’image correspond aux côtes de Moselle, ou cuesta, dues à la terminaison des puissantes couches du calcaire bajocien relativement dures. Dans le paysage régional, elles dominent souvent de 100 m. de haut la vallée de la Moselle, qui coule aux pieds, et les terrains sédimentaires du Pays messin qui s’étalent sur toute la partie est de l’image.  Nous sommes bien ici au plan géologique et tectonique dans l’est du grand Bassin parisien où se succèdent sur plusieurs centaines de kilomètres une succession d’importantes côtes, ou cuesta (côte de Meuse, côte de Moselle, côte de Champagne).  

  • Metz et la rivière Moselle, une relation particulière


Comme pour toute unité urbaine qui concentre quelques fonctions de commandement, Metz est organisée selon une logique centre-périphérie. Mais une observation plus attentive des densités oblige à relativiser ce premier constat. Son antique fonction d’oppidum lui confère une position privilégiée sur la Moselle, mais à l’abri des contreforts que l’on perçoit aisément depuis l’Esplanade (à l’est du plan d’eau). Jean Laurain, philosophe natif de Metz, et ministre des anciens combattants de 1981 à 1986, chante cette idylle entre Metz et son cours d’eau. Il imagine éclaircir le mystère des origines de la vieille cité des Médiomatriques, en faisant le récit d’Europe, enlevée par Zeus sous les traits d’un taureau, à la recherche d’un lieu paisible pour donner une nombreuse descendance. Elle le trouve au confluent de la Moselle, qui apporte le limon, et de la Seille, qui apporte le sel. C’est aussi en surplomb de la Moselle que se trouve la route des vins, avec une AOC « vins de Moselle » qui se développe notamment sur les pentes de la commune de Vaux, animée à la fin de l’été par le rythme des vendanges qui organise la vie de son château.

  • Metz et le Sillon Lorrain, une zone très peuplée


Cette logique concentrique, corrigée par un relief linéaire nord-sud en abri, peut expliquer en partie des densités qui demeurent élevées sur tout le Sillon Lorrain et notamment au nord sur les affluents de l’Orne et de la Fensch. C’est ainsi que si l’on ne se limite pas à Metz métropole, il faut mentionner d’importants foyers de population à plus de 20 km au nord de Metz, avec Florange et Thionville, qui correspondent aux limites nord de l’aire urbaine de Metz, qui rassemble 214 communs et compte environ 390 000 habitants. L’INSEE envisage plus largement une possible aire métropolitaine Metz-Thionville qui réunirait près de 600 000 habitants. Plus vaste encore, il est question d’un Pôle métropolitain du Sillon Lorrain qui réunirait 1,4 million d’habitants depuis Epinal jusqu’à Thionville.

Le foncier se fait rare sur le talus de la côte de Moselle, longtemps limité à la fois par la géomorphologie et par les servitudes militaires liées aux forts. Les prix des terrains n’en sont que plus élevés dans des communes comme Sainte-Ruffine, Châtel Saint-Germain ou Amanvillers. Au contraire vers l’est, le plateau lorrain n’oppose pas de contrainte majeure à l’urbanisation. La ville peut ainsi donner libre cours à ses velléités d’étalement sur des espaces agraires devenus d’importantes réserves foncières.

Il n’est pas surprenant de trouver sur ce versant les croissances démographiques les plus fortes, malgré un contexte global de légère déprise (-0,3 %), surtout du fait d’un fort déficit migratoire. Fey, Marly, Peltre ou Laquenexy connaissent ainsi une certaine vigueur démographique et la commune de Nouilly établit même des records avec plus de 6% de croissance annuelle. Aux portes des communes du périurbain, les paysages sont caractéristiques avec une chute brutale des densités, le maintien de quelques unités agricoles (céréaliculture et élevage) et le règne des mobilités individuelles le long des routes départementales ou nationales, voire sur la dernière portion française de l’A 4 qui mène vers le Saarland.  

  • Metz : une situation de confluence et de carrefour


Metz se développe à partir de sa situation de confluence et de carrefour. Mais si l’on s’intéresse plus particulièrement aux flux qui se concentrent sur les axes nord-sud et est-ouest, il y a là encore de forts déséquilibres. L’axe est-ouest, matérialisé par l’A4 et, plus loin, par la LGV Est-européenne, est relativement peu fréquenté. Il s’agit là de mobilités sur de longues distances, à l’image du TGV qui fait de Metz une « grande banlieue » de Paris. Il faut cependant relativiser ce phénomène, Metz étant au mieux à 1h23 de Paris. Les « navetteurs » se comptent probablement plutôt en centaines. Metz n’a donc pas bénéficié de la même dynamique démographique que les « villes à une heure de Paris ».

Sur l’axe nord-sud qui emprunte le Sillon Lorrain, la situation est très différente. Ce sont à la fois des flux de marchandises, de travailleurs et de vacanciers qui empruntent les voies routières et ferroviaires. L’A 31 s’en trouve régulièrement congestionnée avec des pics à près de 100 000 véhicules par jour, dont 10 000 poids lourds entre Metz et Thionville, soit près de 13 % du trafic national.

Metz en subit directement les impacts avec un « effet tunnel » qui fait passer le long du goulot d’étranglement (entre l’île du Saulcy et Woippy) à la fois des vacanciers néerlandais qui cherchent à rejoindre le plus rapidement possible le littoral méditerranéen, les conteneurs qui partent de la mer du Nord pour joindre la Méditerranée ou les Alpes, et les « navetteurs » qui profitent des salaires plus élevés du Luxembourg. Les messins ne sont pas en reste, puisque ce sont environ 9000 navetteurs de l’agglomération qui effectuent quotidiennement l’aller-retour vers le Grand-Duché. Le contournement sud par une rocade n’a pas suffi à limiter les nuisances, redynamisant tout juste certaines communes comme Peltre et permettant d’achever une sorte de « raccordement annulaire », périphérique à l’échelle d’une métropole régionale.

Des Médiomatriques à MedioMatrix, de portes en portes …

C’est sur le flanc est du bras de la Moselle que l’on distingue aujourd’hui les densités les plus élevées. Une colline (Sainte-Croix) correspond à l’habitat celtique le plus ancien de la cité. Les Romains parviennent à contrôler l’oppidum des Médiomatriques, sur le site de Divodurum mediomatricorum. Cette colline Sainte-Croix surplombe la confluence de la Moselle et de la Seille (plus à l’est), visible au nord de l’hypercentre. Des remparts romains doivent permettre de se protéger des peuples barbares qui arrivent précocement dans la région. Mais c’est surtout au Moyen Âge, avec le soutien d’une bourgeoisie prospère, que la cité développe et renforce au moins à deux reprises une véritable enceinte défensive quoiqu’en dise sa devise : « Si nous avons paix dedans, nous avons paix dehors ». Limités à l’ouest par la Moselle, les remparts médiévaux sont très proches des limites de la cité antique. En revanche au nord et à l’est, le long de la Seille, ces remparts marquent une avancée vers les faubourgs et servent de base aussi bien pour les projets de Vauban que plus tard, au moment de l’annexion allemande. Surtout une série de tours permet de contrôler l’entrée dans une cité qui frappe sa propre monnaie et représente un carrefour pour des marchands qui s’y retrouvent notamment place au Change (actuelle place Saint-Louis). Le bâti laisse apparaître cette extension de la ville, avec une excroissance encore bien visible entre l’ancien tracé de la Seille et les remparts matérialisés par le tracé de la D 955 à l’est. C’est là que demeure le vestige le plus complet de ce passé, porte des Allemands, ainsi nommée en souvenir de la présence d’un hôpital des chevaliers teutoniques (et non en référence à l’annexion beaucoup plus tardive). Point de départ de l’ancien decumanus qui empruntait la Fournirue (axe Mayence - Reims), la porte demeure un nœud qui continue de connecter le cœur de ville aux boulevards périphériques et un point de passage quasi obligé pour rejoindre l’A 4.

  • Les moyens de transport contemporains


Cette logique de porte demeure valable avec les moyens de transport contemporains. Il faut s’éloigner des limites de Metz métropole pour trouver les lieux qui matérialisent ces portes d’entrée sur le territoire.

Le TGV fréquente la gare de Metz bien sûr, visible sur l’image au niveau de la largeur maximale des voies ferrées, avec son parking à ciel ouvert. Mais pour se connecter à une ligne grande vitesse, le TGV doit parcourir une vingtaine de km. La gare TGV Lorraine, localisée entre Metz et Nancy, hors champ de l’image, propose une navette bus pour relier Metz en une trentaine de minutes. Les premiers bilans effectués sont souvent sévères : la Cour des comptes indique ainsi que depuis l’ouverture de la LGV Est en 2007, la Lorraine a vu son taux d’emploi diminuer de 5 %. Sans compter les critiques adressées aux « gares betteraves », construites au milieu des champs et mal connectées avec le reste du territoire, qui visent souvent la gare de Picardie mais qui correspond également en partie au moins à la réalité de la « gare de Louvigny ». Car si la gare Lorraine TGV est située à Louvigny, le débat n’a jamais été refermé sur une possible deuxième gare ou un déménagement de la gare existante plus à l’ouest, pour faciliter les interconnexions avec la ligne nord-sud des TER.

Quant à « l’aéroport de Metz », il a longtemps été localisé sur la base aérienne (BA 128) de Metz-Frescaty, qui fut d’abord une base militaire. On la distingue encore nettement à l’extrémité sud-ouest de l’agglomération. Fermée en 2012, le seul aéroport des messins se situe désormais plus au sud, hors de l’image. Il s’agit de Lorraine Airport qui sort d’une période de stagnation voire de baisse de son trafic. En 2018, le trafic reprend à la hausse (+14 %) grâce à de nouveaux « vols vacances » durant la période estivale. Le réseau que tisse la métropole avec des destinations étrangères est donc un réseau de proximité et en archipel au gré des opportunités des compagnies aériennes, mais aussi des besoins de populations installées localement mais qui conservent des liens avec leur pays d’origine (Algérie, Maroc). En revanche les chiffres sur les vols intérieurs demeurent très modestes, également par la concurrence du TGV sur ce niveau de distances, en dehors des vols vers Nice, Marseille ou Toulouse. Mais Lorraine Airport subit aussi la concurrence de l’aéroport international de Luxembourg, la véritable porte des lorrains vers l’international, qui compte 3,6 millions de passagers annuels, soit 13 fois plus que son homologue lorrain.

C’est dans le quartier de Queuleu (au nord-est du fort du même nom, visible par sa couverture végétale) que se situe le centre de rétention administrative (CRA) de Metz, porte vers l’Europe pour des étrangers sous le coup d’un arrêté à la frontière. Il forme, avec la maison d’arrêt de Metz qui lui est contiguë, un imposant « no man’s land » sécuritaire dont la singularité n’a pas échappé au Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Avec une capacité de 98 places, le CRA de Moselle fait partie des structures les plus importantes et accueille principalement des familles nord-africaines, d’Europe de l’Est et de Turquie, mais aussi des Indiens et même des Chinois. Le CRA doit aussi son importance à la situation de Metz désignée en 2015 comme « guichet unique » des demandeurs d’asile pour toute la Lorraine.

  • Economie numérique, métropolisation et nouveaux équipements


La dernière porte constituée ouvre sur le monde, et elle relève de l’économie numérique.  Le nouveau data center explore l’histoire ancienne de Metz par son nom : Advanced MedioMatrix.

Il s’agit du premier espace de stockage de données informatiques en Moselle, hébergé d’ici la fin de l’année 2019 dans un bâtiment de 2 700 m² sur le site de Mercy, dans la commune de Peltre. Les salles informatiques, à la fois dévoreuses et productrices d’énergie, doivent être équipées d’un système de refroidissement. Elles doivent aussi bénéficier d’un dispositif de recyclage de la chaleur dissipée par les matériels informatiques pour chauffer les espaces et l’eau courante. Mais le centre comprend également des espaces tertiaires (bureaux, salles de formation, espace d’accueil de start-up).

Ainsi les portes d'entrée sont à Metz des marqueurs locaux d'une longue tradition et des dynamiques multiscalaires d'une métropole.

Un tissu productif en transition

  • Les lourds héritages de la fonction militaire


Le visiteur qui passe par Metz pour la première fois manifeste souvent le même étonnement face aux nombreuses curiosités et au riche patrimoine, là où il attendait une ville austère marquée par la tradition militaire et par son passé germanique. Si cette représentation ne résiste pas à un court séjour à Metz, la simple observation d’une image satellite confirme la forte emprise du bâti militaire et pose la question de sa reconversion. Il représente à la fois une charge et un atout considérables pour une ville qui cherche à développer des fonctions métropolitaines supérieures. Par ailleurs ces lieux, autrefois terrain d’exercice de régiments militaires, deviennent des terrains d’expérimentation pour la démocratie participative, accompagnée par des équipes de chercheurs géographes du laboratoire Loterr, rattachés à l’Université de Lorraine.

Le Livre Blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 annonce des restructurations qui démarrent dès le début des années 2010, avec la signature du contrat de redynamisation de site de défense (CRSD). L’INSEE considère que ce sont 5650 emplois militaires et civils, soit 12% des suppressions envisagées sur le territoire national, qui ont été perdus. Considérer que c’est un système productif qui disparaît serait sans doute excessif, tant ces fonctions de reproduction sociale sont localisées dans des communes bien précises et plus ou moins intégrées à leur territoire local. En revanche, les quelques projets ci-dessous illustrent bien les origines et les fonctions militaires très diverses des sites ainsi que la diversité des choix de reconversion.

La caserne Steinmetz, le long du boulevard de Trèves, date du début de l’annexion par l’Empire allemand à la fin du XIX è siècle. Lieu de casernement jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, puis d’entrepôts, elle est désaffectée en 1954 et versée au domaine privé de l’État. La localisation stratégique d’entrée de ville concentre une attention particulière à la fois des pouvoirs publics et des investisseurs privés. C’est ainsi que des services du Conseil Régional de Lorraine s’y installent, bénéficiant du chauffage urbain de l’Usine d’Electricité de Metz (UEM) toute proche. On y trouve également une dizaine d’enseignes sur 6000 m2 et des surfaces de stationnement. L’aigle érigé en l'honneur de la 95 è Division d'Infanterie américaine trône toujours près de ce décor revisité, comme un gage de la mémoire d’un quartier désormais considérablement transformé.

C’est dans ce même secteur que se pose la question de la reconversion des anciens frigos militaires. S’appuyant sur la tradition républicaine de Metz, la municipalité organise une votation citoyenne sur deux projets de reconversion. Le projet retenu devrait faire de ce secteur un lieu culturel et festif, trait d’union entre le cœur de ville et le quartier populaire de Bellecroix, avec une présence forte d’acteurs associatifs comme le Secours populaire pour animer un Foodcourt solidaire et un incubateur de projets autour des métiers de l’alimentation.

En limite sud de Metz métropole, le camp militaire de Mercy a vu l’installation de canadiens aux lendemains de la Deuxième Guerre mondiale, dans le cadre des accords de l’OTAN. Il abritait un centre de transmissions et de contrôle des mouvements aériens. C’est là que le nouveau centre hospitalier régional y a ouvert ses portes en 2010. La zone d’aménagement concerté (Zac) de Mercy concentre, au-delà du pôle de santé spécialisé en psychiatrie, des start-up mais aussi de grands noms de l’industrie européenne comme Siemens.

De 1867 à 1870, l’armée transforme le mont Saint-Quentin en un camp retranché afin d’éloigner la ligne de front et renforcer les fortifications militaires messines. Le groupe fortifié du Saint-Quentin est complété par les Allemands après 1870, avec une Tour Bismarck. Classé Natura 2000 en 1994 et véritable poumon vert de la métropole, il devient le terrain de jeu des marcheurs et cyclistes, mais aussi terrain d’observation des associations naturalistes. Un troupeau de moutons y est installé comme alternative à un entretien mécanique des espaces verts sur cet espace de 211 ha devenu officiellement propriété de Metz métropole depuis juillet 2017.

Mais toute tradition militaire n’a pas disparu à Metz. La ville demeure capitale militaire du Grand-Est avec son Palais du Gouverneur et son cercle des officiers dans l’ancienne abbaye Saint-Arnould. Mieux il existe même un site qui a vu arriver de nouvelles troupes très récemment. La caserne de cavalerie de Chambière construite au début du XVIII è siècle accueille désormais les 850 hommes de la brigade franco-allemande. La caserne Séré-de-Rivières a donc survécu par le truchement d’une négociation qui vient en compensation des nombreux emplois militaires perdus par ailleurs.

  • Une métropole marquée par l’importance des fonctions industrielles


Une autre singularité de Metz, héritée de son passé, tient dans le poids des activités industrielles en comparaison des autres métropoles. En effet la sphère de la production matérielle est fortement présente, avec de vastes unités de production largement visibles sur les images satellites.

C’est ainsi que le groupe PSA concentre plus de 4000 emplois sur ses deux sites de Trémery (au nord hors cadre) et de Metz-Borny, bien visible à l’extrémité est de l’agglomération. Il demeure le premier employeur privé en Lorraine. Pour prendre la mesure du poids de l’automobile, des équipementiers et de la construction mécanique, il faut y ajouter les 2800 salariés de la SOVAB à Batilly (filiale du groupe Renault qui assure le montage du Renault Master) et les 360 salariés du groupe allemand Claas à Woippy (machines agricoles). Sur le sillon lorrain, la forte emprise de Thyssen Krupp Presta France est également visible à Florange.

Et dans le domaine de la logistique, ce sont 3000 emplois sur 400 000 m2 d’entrepôts qui se concentrent à Ennery au nord avec Garolor (hors cadre). On peut y voir la reconnaissance d’une terre d’industrie longtemps marquée par le poids du charbon et de l’acier et d’un marché européen desservi par sa situation de carrefour, qui lui confère un rôle logistique majeur.

Si ce secteur présente une réelle stabilité dans le temps malgré la fluctuation des carnets de commande, c’est dans la sphère périproductive et même dans les fonctions de commandement que Metz engage de nombreux projets ces dernières années. Metz-Technopôle, modèle d’aménagement des années 1990’, éloigné du cœur de ville, demeure dynamique avec ses 250 entreprises et ses 4000 emplois. Il correspond à un modèle désormais révolu, à l’image des trois grandes ZAC, clés de voûte entre l’agglomération et les espaces périurbains : au nord la ZAC de Semécourt, à l’est celle de l’Actipôle et au sud la ZAC d’Augny. Surtout l’évolution du technopôle est significative d’une singularité messine que le plan d’urbanisme évoque clairement : « Initialement à vocation de haute technologie, il s’est dans les faits diversifié pour intégrer au final de nombreux services aux entreprises et établissements publics ».

De nouvelles formes d’urbanité dans une compétition entre métropoles

  • Le « village Taison » et la colline Sainte-Croix


La rue Taison illustre bien les enjeux de l’urbanité à Metz. Caractérisé par l’unité du bâti, en pierre de Jaumont, un des éléments forts de l’identité messine, le quartier est borné d’un côté par des îlots administratifs qui abritent l’hôtel de ville, sur la place d’Armes, et d’un autre côté par le résidentiel de la colline Sainte-Croix. Aux deux autres extrémités : En Fournirue et place Saint-Jacques, l’hypercentre, et à l’autre bout au sommet de la colline, des bâtiments publics : le collège et l’ancienne maternité qui appartenait aux soeurs de la Charité maternelle, transformée en logements sociaux, et la cité administrative.

Le quartier est irrigué par son coeur, la rue Taison, qui épouse les premières pentes de la colline Sainte-Croix. Au pied de la rue Taison, un panneau indique : « Bienvenue au village Taison ». Le choix du mot village peut surprendre, alors que le quartier se situe en plein coeur de ville, à deux pas de la cathédrale Saint-Etienne, bien visible par sa couverture en cuivre, posée suite à l’incendie de 1877. La volonté de l’association des commerçants est de clairement se démarquer de la rue Serpenoise et de la place Saint-Jacques, à deux pas, en faisant la promotion des commerces indépendants et alternatifs, plutôt que des grandes franchises. Taison prétend également jouer sur l’identité du quartier avec la présence en suspension d’un immense dragon, le Graoully, figure emblématique de la ville de Metz, évangélisée par Saint-Clément qui aurait anéanti la créature des païens. L’effroi engendré par le Graoully aurait amené les habitants à se conseiller mutuellement : « taisons-nous », donnant ainsi son nom à la rue et à tout le quartier. Mobilités et commerces de proximité, travail sur l’identité et l’histoire de la ville, démarches solidaire et durable sont autant de principes qui semblent animer le quartier Taison, qui cultive sa singularité en jouant sur le local, tout en s’affirmant comme connecté à la métropole. C’est aussi dans le prolongement nord de la colline que les messins construisent l’avenir par un acte de résilience : un mémorial vient d’être inauguré pour Marie et Mathias,  jeune couple messin disparu au Bataclan lors des attentats de novembre 2015.

Metz s’affiche également comme modèle de transition par ses choix très précoces en matière d’écologie urbaine. C’est sur la colline Sainte-Croix qu’est installé l’Institut Européen d’Ecologie, longtemps porté par une personnalité locale : Jean-Marie Pelt. C’est dans ce contexte que la ville engage d’importants travaux pour constituer une « trame verte et bleue » en bord de Seille, qui porte d’ailleurs aussi le nom de « Jardins Jean-Marie Pelt », nettement distincte sur les cartes et plans. Il s’agit d’un réservoir de biodiversité locale devenu par la même occasion (ce qui n’est pas sans contradiction avec l’objectif précédemment évoqué) un espace de jeux pour les familles et un lieu de rencontres inter-générationnelles. Sur cette question, Metz métropole entre déjà dans une compétition nationale, à coups de labels et de qualificatifs toujours plus vertueux, à l’image de l’observatoire des villes vertes.

Cette préoccupation d’une plus forte sociabilité entre les habitants d’un même territoire peut entrer en contradiction avec l’affichage d’une métropole plus vertueuse et plus compétitive que ses voisines sur des territoires qui n’échappent pas à des logiques de marchés. Ainsi entre deux échelles d’analyse, l’échelle infra-urbaine où semble promue la question de la solidarité et de l’équité et une échelle plus large, au moins régionale, où règne la concurrence économique et d’image entre les métropoles, le jeu d’équilibre est souvent périlleux.

  • Le centre Pompidou-Metz (CPM)


Pour comprendre cette logique de labellisation et de classements divers, nous pouvons nous intéresser à un projet récent : le centre Pompidou-Metz (CPM). Le CPM est inauguré en mai 2010. Il est nettement visible au sud-est de la gare, dans une zone de friches, avec sa toiture blanche, juste à côté du bâtiment rectangulaire des Arènes. Le succès est immédiat avec 800 000 visiteurs la première année. L’hôtellerie et la restauration ont bénéficié de l’effet d’un aménagement qui fonctionne comme un « produit d’appel » pour des touristes tentés de rester plusieurs jours, là où ils étaient seulement de passage. De ce point de vue la nouvelle vitalité du quartier, avec le centre Muse et avec le centre Metz Congrès (tourisme d’affaires), encourage fortement les visiteurs à prolonger leur séjour.

Si la fréquentation du CPM a trouvé sa vitesse de croisière autour de 300 000 à 350 000 visiteurs annuels depuis 2015, l’arrivée de touristes asiatiques est un signe de son nouveau rayonnement, au-delà du champ transfrontalier. Les Chinois représentent désormais une clientèle aussi nombreuse que les Allemands et l’arrivée de clients chinois a été multipliée par 7 depuis 2012. Au-delà de cela, Metz bénéficie depuis 2015 du label « station de tourisme », attribué par décret pour une durée de douze ans, et qui suppose le respect d’une cinquantaine de critères. A titre de comparaison, Nancy se contente pour le moment du titre de « commune touristique » qui répond seulement à trois critères.

  • En conclusion, une métropole en mutations

La trajectoire récente de Metz n’est pas en rupture avec ses traditions militaire, industrielle et commerçante, qui continuent de la façonner. La métropole présente un indéniable dynamisme accompagné plus qu’ailleurs encore - peut-être parce qu’elle est une ancienne république oligarchique ? - par de nombreuses initiatives de participation citoyenne.

Cohésion et mixité sociale lui permettent d’amortir le choc de la fragmentation spatiale à laquelle elle n’échappe pas pour autant. L’emprise des anciens terrains militaires agit comme un stimulant : « L’annonce des mesures de restructurations a fonctionné comme un coup de fouet pour la collectivité locale qui a soudainement pris conscience de la valeur du bâti militaire et de la possibilité de l’intégrer aux politiques culturelles et touristiques en cours d’élaboration sur le territoire ».

Mais il faudra du temps pour répondre durablement à des faiblesses structurelles qui persistent : une croissance de l’emploi négative à - 0,5 % annuel (qui en fait une ville au profil proche du Havre ou de Valenciennes dans ce domaine); un retard dans le classement national des emplois liés aux fonctions métropolitaines supérieures ; un nombre d’étudiants conforme au poids démographique de la ville mais une évolution préoccupante puisque la seule des 22 métropoles qui voit le nombre d’étudiants baisser entre 2001 et 2015 (de la même manière que des villes de rang inférieur comme Mulhouse, Pau ou Perpignan)


 

Zooms d’étude   

 



Le Nouveau Port de Metz, premier port céréalier français et  maillon du Sillon Lorrain

Site et situation du port  

Le Nouveau Port de Metz se situe sur les communes de Metz et de La Maxe au nord du pôle urbain. Il occupe un espace d’environ 40 hectares, bien délimité à l’ouest par une double ceinture formée par les lignes ferroviaires et par l’A31 qui file au nord vers Thionville. Au nord c’est le centre de valorisation des déchets Haganis qui marque la limite. Au sud, la Moselle et l’île Chambière, avec ses cimetières et son terrain militaire, offrent des limites naturelles au port.

On distingue nettement trois éléments : au centre le lit principal de la Moselle qui quitte Metz pour se diriger vers des espaces plus marécageux au nord ; au sud-est, un bras de la Moselle qui après avoir emprunté son propre chemin au plan d’eau de Metz, rejoint le lit principal au niveau du port. Enfin au nord-ouest, on identifie bien la darse de 1200 mètres linéaires, créée ad hoc à partir de 1967, pour offrir de vastes quais aux navires céréaliers.

La principale activité du port reposait sur l’acheminement du minerai de fer au moment de son inauguration. Mais la CCI de Moselle a su tourner la page de l’industrie lourde et saisir l’opportunité que constituaient les nombreuses coopératives agricoles de la région. Il est le premier port fluvial céréalier en France avec 3,5 à 4 millions de tonnes de céréales et autres produits agricoles.

Le développement d’une plateforme multimodale

Des silos à grain occupent une partie importante du port. On distingue bien les silos les plus anciens à l’entrée du port, gérés par les Etablissements Soufflet, immédiatement à l’entrée du port, et plus loin, Lorca et Union InvivoPlus. Plus proche de l’A31, on perçoit la forme circulaire de la malterie qui appartient au groupe Malteurop. Plus loin encore au niveau du rétrécissement du port, il s’agit du nouveau silo de la coopérative Lorca, inauguré en 2017. Blé, colza, orge, maïs, tournesol et pois arrivent au port à l’état brut. Des infrastructures permettent de les nettoyer, les trier et les stocker. Les leçons du terrible accident de 1982 ont été retenues, avec une explosion dans la malterie pour cause de trop fort empoussièrement, qui avait entraîné la mort de 12 employés.

Le port permet ensuite de redistribuer les céréales, sachant que les conditions de stockage laissent une amplitude de 4 jours à 6 mois pour écouler les récoltes. Le nouveau silo dispose d’un poste de chargement pour les conteneurs. Il s’agit de consolider le développement en Lorraine (400 000 tonnes de céréales collectées dans la région) mais aussi de créer des débouchés pour les céréales provenant de secteurs plus éloignés : Côte d’Or, Marne, Haute-Saône… La CCI 57 a aussi fait aménager des voies ferrées spécifiques avec une capacité de stationnement de convois de plus de 700 mètres, connectées à la gare de Woippy, première gare de triage française. Il s’agit de transporter les céréales par les moyens routier, ferroviaire et fluvial. Mais 80 % des exportations se font par voie fluviale. 90 % des céréales sont exportées d’abord vers l’Allemagne (le colza part dans des usines de trituration) et les pays du Benelux (blés et orges sont ensuite transformés pour l’industrie agro-alimentaire ou pour l’alimentation animale).

D’autres acteurs se sont agrégés à cette activité principale : Bolloré Energie, Lingenheld Environnement, Charal, ou encore Béton Vicat, seul établissement que l’on distingue sur la rive opposée de la darse, encore peu aménagée.
A la différence de certains ports, les terrains qui jouxtent les infrastructures sont largement végétalisés : on aperçoit près de la station de revalorisation des déchets et sur la rive opposée des terres maraîchères, mais aussi la persistance de bois et de forêts jusqu’à Malroy au nord. La véloroute « Charles le Téméraire » qui longe la Moselle et la présence de la LPO contribuent à faire aussi de ce lieu
un espace de loisirs et d’observation des espèces.

Mais une ambition qui se heurte à des réalités

Le nouveau silo est présenté par la CCI comme une opportunité pour attirer de nouveaux investisseurs asiatiques sur un marché qui connaît des difficultés importantes depuis la fin des années 2000. Pour ambitionner des marchés émergents, le Nouveau Port de Metz doit d’abord trouver sa place dans un système régional qui manque encore de cohérence. Le projet d’un Europort lorrain qui puisse concurrencer les grands ports de la Mer du Nord n’est pas encore à l’ordre du jour. Le Sillon Lorrain avance encore en ordre dispersé dans cette concurrence internationale puisque l’on compte d’autres ports : Thionville-Illange, plus au nord, premier port fluvial français pour les produits métallurgiques ; au sud Metz-Mazerolle, plus petit, mais qui voit surtout une augmentation des flux de matériaux de construction et des produits pétroliers ; plus au sud encore Nancy-Frouard, deuxième port fluvial céréalier (1,8 million de tonnes).

A cette dispersion des forces, s’ajoute une situation de « cul de sac » qui rend les ports lorrains dépendants d’Anvers ou de Rotterdam, et mal connecté au reste du pays au sud de Nancy, où les voies correspondent encore à l’ancien gabarit Freycinet (moins de 4000 tonnes).

Autant de défis que le nouveau Syndicat Mixte des Ports Lorrains, créé en 2018, devra relever. Ses missions visent notamment à définir une stratégie portuaire plus cohérente, à construire une gestion unifiée de cet ensemble industrialo-portuaire, et à promouvoir l’implantation d’activités logistiques et industrielles.

 

 



L’est-messin : un moteur économique de la métropole confronté à de nouveaux enjeux

A l’est de la commune : plusieurs générations de zones d’activité

La CCI définit les Zones d’Activité Economique (ZAE) comme un ensemble foncier réservé à l’implantation d’activités économiques, notamment d’entreprises. Elles sont gérées initialement par les communes, mais la loi NOTRE du 7 août 2015 transfère ces compétences vers les EPCI. Zones artisanales, zones commerciales ou encore zones industrielles ou zones logistiques, autant de dénominations qui répondent à des profils spécifiques en fonction des territoires. Si l’on exclut Metz Technopôle plus au sud, sorti de terre dans les années 1990, on peut distinguer trois secteurs à l’est de Metz, qui ont émergé à trois moments différents, répondant ainsi à des enjeux complémentaires.  

Tout d’abord, on perçoit nettement l’unité de l’Actipôle qui forme un quadrilatère d’environ 1 km sur 1 km, délimité par quatre axes routiers. C’est à cet endroit qu’est née la première zone industrielle de Metz-Est au début des années 1960, plus précisément autour de la première usine Citroën dès 1968, quelques années après la fusion de la commune de Borny avec Metz. Il s’agit donc de la plus vieille zone d’activité de Metz.

A l’ouest de la rocade, une bande matérialise la Zone d’Activité Concertée de Metz-Sébastopol qui se développe depuis les années 2000. On y trouve le Quartier des entrepreneurs qui abrite des TPE qui se restructurent et revoient leur stratégie après la crise financière, profitant des exonérations fiscales de la zone franche.  

Enfin au sud, de l’autre côté du boulevard de la Solidarité, des terrains vagues et des espaces de stockage jouxtent des parcelles agricoles. Il s’agit de la zone de la Petite Voëvre en plein réaménagement.

PSA, premier employeur privé de la ville

L’implantation de l’unité de production de PSA est immédiatement visible au coeur de l’Actipôle. Citroën y installe son usine automobile en 1968, spécialisée dans les boites de vitesse. Ce sont 16 ha de bâtiments implantés sur un terrain de 41 ha. La marque profite tout à la fois de la situation de Metz proche des territoires frontaliers, du site bien desservi par les transports avec l’ouverture à venir de la portion de l’autoroute A314 qui effectue la jonction avec l’A4, et du réservoir de main d’oeuvre que constitue la nouvelle ZUP de Borny (7000 logements construits entre 1960 et 1973).

Si les effectifs de PSA Borny ont baissé, passant en-dessous des 2000 salariés au tournant des années 2010, le chiffre se stabilise actuellement autour de 1300 salariés. Il semble viable compte tenu de l’attribution de la production de la future boîte de vitesses à double-embrayage électrifié par le Groupe PSA au site de Metz. Le site emploie le plus grand nombre de salariés du privé à Metz. Et si l’on ajoute les 2800 salariés du site PSA de Trémery (plus au nord, avec la fabrication de moteurs), le groupe se place même en tête à l’échelle de la région. PSA Metz-Borny est donc caractéristique d’une singularité de la métropole messine. Les emplois de la sphère de la production matérielle y sont mieux représentés que dans d’autres métropoles de poids comparable.

Les salariés de PSA résident désormais moins à Borny que dans les communes plus périphériques. Il s’agit surtout de navetteurs qui habitent les communes du périurbain et qui profitent ainsi de l’excellente desserte de la ZAE.

Une grande diversité des fonctions

Une observation rapide des espaces qui composent et qui délimitent la ZAE permet de dégager la grande diversité des fonctions et la grande variété des formes d’occupation du sol. Les activités artisanales et industrielles y sont le plus anciennement implantées. On distingue bien à l’est de la rocade, un peu avant l’échangeur, les deux cheminées de l’UEM (Usine d’Electricité de Metz). L’usine contribue à alimenter en chauffage urbain la métropole. On distingue bien la zone d’isolement autour de l’usine, en raison des risques d’embrasement du charbon et d’incendie des cuves de liquides inflammables (interdiction de construire à moins de 42 mètres de l’usine).

Plus récemment ce sont des services marchands qui se sont installés sur le secteur : magasin de bricolage à l’ange sud-est de l’usine PSA. Au nord, de l’autre côté de la départementale pénétrante pour entrer à Metz par l’est, on devine les formes du fort de Lauvallières, dans la seconde ceinture fortifiée, tandis que plus à l’ouest, le fort des Bordes appartient à la première ceinture. A l’ouest du fort, on distingue nettement l’excroissance du nouvel Hôpital Robert-Schuman (Hôpitaux Privés de Metz) sur la commune de Vantoux.

Sur le flanc ouest, de l’autre côté de la rocade, se situe le quartier politique de la ville de Metz-Borny. Les barres d’immeubles sont visibles mais côtoient les parcs (parc de Gloucester qui occupe tout le centre de Borny). Des parcelles agricoles sont également visibles au nord, tout au contact de l’échangeur qui assure la transition entre la départementale et la rocade. C’est également à cet endroit et notamment rue de la Sarre que de nombreuses professions libérales se sont installées, trouvant disponibilité foncière, accessibilité par les transports et attractivité fiscale. Il s’agit essentiellement de médecins spécialistes qui ont redonné vie à un quartier totalement enclavé il y a encore une vingtaine d’années. Des services complémentaires du quotidien (pharmacie, boulangerie…) ont ouvert de nouvelles enseignes fréquentées à la fois par la population du quartier et par les visiteurs plus ponctuels (rendez-vous médicaux).

A l’est et au sud, c’est la fonction résidentielle qui domine. Au sud, on distingue nettement le quartier de la Grange-aux-Bois avec son habitat résidentiel individuel et collectif de type lotissement. A l’est, les densités chutent rapidement dès que l’on franchit les limites de la commune de Metz, et l’on identifie bien, marquant une rupture du bâti de plus de 200 mètres, le début du périurbain matérialisé par le lotissement du Cugnot dans la commune de Montoy-Flanville.

Une zone (re)structurée par les réseaux de transports

Le quadrillage du secteur par les axes de transport est nettement visible. Traditionnellement le secteur Metz-Est bénéficiait de l’étalement des dynamiques urbaines selon une logique radiale structurée par la N 233 prolongée par l’A 314 au nord et par le boulevard de la Solidarité plus au sud. L’ouverture de la dernière section de la rocade sud-est (N 431) en 2004 a contribué à renforcer le secteur et à développer les logiques d’intersection. Ronds-points et échangeurs cristallisent alors de nouvelles activités, devenant de mini-clusters d’artisans, comme on le voit nettement au nord-ouest et au sud-ouest de l’Actipôle. PSA détenait dans ce secteur des terrains concédés à la ville de Metz. Ils se sont revendus très rapidement : une fourrière (au sud de l’usine) ou encore CERP Rhin-Rhône-Méditerranée, spécialiste de la distribution de médicaments (au nord de l’usine). Des concessions automobiles y sont également attendues prochainement.

La ZAE demeure donc très dynamique et proche des lieux de vie des messins. Borny est en effet desservi par le bus à haut niveau de services de Metz Métropole (Mettis). On y trouve la station départ et terminus de la ligne A avec 3 stations directement dans la zone Sebastopol. Cette bonne desserte ajoutée au désenclavement du secteur plus au nord (rue du Dauphiné - rue de la Sarre) améliorent l’urbanité de ce qui fut un village aux portes de Metz, devenue la plus ancienne zone d’activité, et encore à ce jour pourvoyeuse de 4600 emplois (devant Woippy-Deux Fontaines au nord et l’Actisud à Augny, plus orientée vers les activités de commerce), à l’interface de la périphérie de l’agglomération et de ses espaces ruraux sous influence.

 

 



Neustadt et Ring : les enjeux d’une nouvelle urbanité

Bien matérialisée par son artère principale qui délimite l’hypercentre au sud, la « Neustadt » - Nouvelle-Ville - est un quartier du péricentre de 160 hectares, au sud du coeur de ville (dite « Ancienne-Ville »). Le quartier est construit par les allemands entre 1902 et 1914. Il y a plus d’un siècle, le pouvoir impérial fixe ici quelques grands objectifs : d’abord germaniser la ville par un élan architectural ; rationaliser les flux et l’habitat en jouant sur les symétries ; moderniser la ville pour améliorer la qualité de vie de sa bourgeoisie entreprenante. Si le retour de Metz à la France ne remet pas en question ces choix, les confortant même - les plans de la Neustadt étant eux-mêmes fortement influencés par l’urbanisme haussmannien - le quartier demeure jusqu’à la fin du 20è siècle une périphérie du cœur de ville. Pourtant les choix récents d’aménagement le replacent en quelque sorte au centre de l’échiquier.

Le Ring, une nouvelle conception de la ville

Tout au nord-ouest du quartier impérial, une simple lecture de la toponymie des rues rappelle les fonctions de ce secteur jusqu’au début du 19è siècle : porte Serpenoise, rempart Saint-Thiebault, tour Camoufle … Il s’agit bien des limites sud de la ville telles qu’elles existent depuis la fin du Moyen-Âge. On y reconnait d’ailleurs au sud des remparts (de l’autre côté de l’actuelle place Mondon) la première gare ferroviaire en bois, inaugurée en 1850. Le quartier est largement paupérisé et dégradé à la fin du 19è siècle. C’est pourquoi l’administration allemande décide d’y engager de vastes travaux pour en faire une nouvelle vitrine de la ville. Pour cela avant même d’imposer un style architectural, les Allemands envisagent les déplacements selon des logiques qui répondent aux évolutions technologiques récentes dans les transports. Le tracé des anciens remparts correspond à la largeur exigée pour le passage des nouveaux véhicules : les calèches bien sûr, mais surtout le tramway électrifié, et des véhicules à combustion interne et à trois roues qui font leur apparition dès la dernière décennie du 19è siècle (constructeur Benz).

C’est ainsi qu’à partir de la place Mondon à l’ouest, on devine aisément le tracé des anciens remparts en longeant l’avenue Foch (alors « Kaiser-Wilhelm-Ring »), l’avenue Jean XXIII, pour remonter au nord vers les boulevards Maginot et Paixhans (en passant par la porte des Allemands, autre vestige des anciens remparts). Ce premier anneau vient compléter les grands axes des 18 è et 19è siècle sur les flancs ouest de la ville, constituant le « Ring », boulevard circulaire alors présent dans de nombreuses villes germaniques, réorganisées par la révolution industrielle. C’est ainsi que le quartier, assimilé à un vaste glacis, devient la vitrine de l’annexion et son « Ring » un lieu de passage voire de défilé et de mise en scène d’une nouvelle bourgeoisie ambitieuse. Karl Henrici, disciple de Camillo Sitte, évoque une « succession d’images qui seront autant de sujets potentiels pour les peintres et les poètes ».   Il reste à en faire un véritable lieu de vie.

Des choix architecturaux audacieux et variés

A partir de 1903, la nouvelle ville imaginée par l’architecte Conrad Wahn commence à sortir de terre. Un zonage strict est appliqué sur les 76 hectares disponibles, divisés en 46 lots. Ce secteur n’est alors occupé que par l’ancienne gare ferroviaire et par les bâtiments  de la Prinz-Friedrich-Karl Kaserne (actuelle annexe du lycée Georges de la Tour et collège Barbot).   Cette organisation planifiée est nettement visible lorsque l’on observe les deux côtés de l’avenue Foch à l’est de la tour Camoufle. Sur la rive sud de l’avenue (avec numérotations impaires), on perçoit un alignement de grands immeubles résidentiels ou commerciaux qui atteignent au moins 5 étages. Les façades en enfilade alternent les matériaux : on y trouve encore la pierre de Jaumont (le jaune caractéristique du coeur de ville et notamment la place de la Comédie que l’on doit à l’architecte Jacques-François Blondel). Mais ce sont surtout les grès et notamment le grès rose qui dominent.

De l’autre côté, sur la rive nord construite sur les anciens remparts (avec numérotations paires), c’est une succession de villas imaginées par les plus grands architectes du Reich. Le règlement précise qu’elles ne doivent pas excéder une hauteur de 3 niveaux. On distingue nettement les jardinets d’accueil qui marquent la transition entre l’avenue et le bâti lorsque les maisons sont mitoyennes. Mais lorsque ce sont des villas indépendantes, l’espace végétalisé s’étend autour et à l’arrière. Il y a là une réelle volonté d’aérer la ville et de conserver toute sa place aux espaces végétaux, en cohérence avec le « mail » central qui fait fonction de ceinture verte.

La comparaison de trois des cinq villas qui se succèdent à l’est de la tour Camoufle sur cette rive nord illustre la variété des styles architecturaux. Les numéros 16, 18 et 22 de l’avenue Foch sont toutes construites dès 1903-1904, faisant partie des premiers édifices de ce nouveau quartier. La deuxième villa en partant de la tour Camoufle est la Villa Wildenberger, caractéristique du Jugendstil, avec ses ornements végétaux et la présence de figures féminines. La villa qui la jouxte plus à l’est est de style néo-Renaissance. Il s’agit de la Villa Wahn (du nom de l’architecte Conrad Wahn), construite en partie en pierre de Jaumont. Plus à l’est encore en approchant de la rue Châtillon, le numéro 22 est la Villa Burger. Son style néo-rural en pans de bois rappelle les maisons alsaciennes. Sa remarquable tourelle est surmontée de petites tuiles vernies de couleur verte. Quatre ans plus tard, la nouvelle gare reprend cet ornement à une échelle plus massive, qui vaudra les railleries des observateurs français, parmi lesquels Maurice Barrès, dans un célèbre extrait de son livre Colette Baudoche.  

Un quartier assumé et valorisé par les acteurs locaux

La Nouvelle-Ville, et notamment l’axe constitué par l’avenue Foch, est longtemps restée une extension du coeur de ville, lieu de transit pendulaire pour joindre l’A 31 aux axes plus à l’est de l’agglomération. C’est aussi un quartier très résidentiel d’une population plutôt aisée avec des fonctions qui se limitent à des professions libérales. Son histoire n’a pas favorisé sa mise en valeur. 60 % du bâti date en réalité de la période du retour à la France. Contrairement à ce que l’on peut imaginer, il s’agit donc d’une œuvre architecturale majoritairement française, bien que l’oeuvre urbaine soit d’abord allemande.

Compte tenu des bombardements des villes allemandes, le quartier est l’un des témoignages les mieux conservés d’extension urbaine de l’ancien Empire germanique. Cette prise de conscience est assez récente de la part des pouvoirs publics qui en ont fait un atout pour son image. C’est ainsi que Metz a choisi le slogan « Royale et Impériale » pour sa récente candidature à la liste indicative française de l’UNESCO. C’est bien le double patrimoine qui est l’objet de cette promotion mondiale. Le site de l’UNESCO dégage la singularité du cas messin qui a contribué à faire émerger « une conception moderne de l’identité urbaine ». Même si cette candidature a été abandonnée pour laisser la place à un autre projet de « ville créative », elle est significative de l’atout majeur que constitue la quartier impérial pour Metz, comme pour Strasbourg, dans la compétition qui les oppose parfois à la voisine nancéienne, déjà bien dotée en matière de patrimoine mondial. La Neustadt figure d’ailleurs en bonne place dans le cadre de la révision/extension du Plan de sauvegarde et de mise en valeur de Metz.

Un secteur fortement transformé : l’ambition d’une nouvelle centralité ?

Au-delà de la question patrimoniale, la Nouvelle-Ville « se recentre » depuis une dizaine d’années, par la présence du CMP et par le développement du projet Muse, de l’autre côté de la voie ferrée, vers le quartier de Plantières-Queuleu. C’est sur les lieux de l’ancien amphithéâtre romain, précisément mis à jour par les allemands au moment des travaux d’extension de la Neustadt, que la ville développe les aménagements les plus ambitieux actuellement. Il s’agit au fond d’une nouvelle extension vers le sud qui présente quelques analogies avec le projet de la fin du 19è siècle.

Le centre commercial Muse est sorti de terre depuis 2017. Il s’agit d’un vaste complexe commercial mais également d’un programme immobilier de 360 logements qui visent des publics très différents : logement social pour des familles (affiché à hauteur de 30 %) ; séniors en résidence ; accès à la propriété haut de gamme. Si l’on ajoute les activités sportives avec les Arènes proches, les jardins Jean-Marie Pelt - Parc de la Seille, ou encore le tout nouveau centre de congrès Metz métropole, il s’agit bien d’un nouveau centre qui prétend développer à la fois des fonctions résidentielles (socialement mixtes), et des activités de commerce et de loisirs, en complément, et non en concurrence, de l’hyper-centre.

C’est donc un aménagement qui devrait favoriser la densification du bâti et freiner la logique d’étalement. Compte tenu des flux croissants de piétons entre le quartier Muse et le coeur de ville, y compris par des touristes qui visitent dans la même journée le centre Pompidou et la cathédrale Saint-Etienne, la Nouvelle-Ville pourrait devenir le trait d’union entre ces deux espaces. Le « Passage de l’Amphithéâtre », qui permet de passer sous la voie ferrée, devient alors un axe stratégique, emprunté à la fois par les piétons, les cyclistes et les véhicules motorisés publics et privés. La signalétique symbolise cette nouvelle position stratégique, indiquant au piéton d’un côté le centre Pompidou-Metz, de l’autre la cathédrale Saint-Etienne. Le « Ring » servirait alors de point nodal au moins à trois niveaux différents d’ouest en est : la porte Serpenoise, la place Saint-Thiébault et la place Mazelle. A noter qu’un parking souterrain de plus de 400 places et un autre aérien de 270 places se situent place Saint-Thiébault et place Mazelle. Il ne s’agit plus seulement de stationner « aux portes de la ville », mais bien au cœur d’un nouveau territoire urbain.

 

Documents complémentaires

Portrait de territoire - Metz et aire d’influence, publication de la CCI Moselle Metz Métropole, édition 2019 : 

La requalification de Metz Actipôle, 2008, Agence d’urbanisme de l’agglomération messine :

PIGNON-FELLER, Christiane, Metz 1900-1939, un quartier impérial pour une nouvelle ville, Collection Itinéraires, 2013

Plan d'extension de la nouvelle ville, conservé aux archives municipales de Metz :

« Monsieur Asmus, demandait Colette, pourquoi avez-vous mis sur votre gare des tuiles vertes ? Les vaches des paysans ont envie d’y brouter. » Dans Colette Baudoche, histoire d'une jeune fille de Metz, BARRES, Maurice, 1909.

Autres éléments bibliographiques :

Pour une réflexion approfondie sur le sillon lorrain et plus particulièrement un croquis de synthèse de la région urbaine de Metz :

GINGEMBRE, Julien, « Vers des territoires métropolisés en réseau ? Le cas émergent du Sillon Lorrain », thèse de doctorat sous la direction du Professeur Jean-Pierre Husson, juillet 2017

Sur la question de la reconversion des sites militaires :

GAYMARD, Marie-Caroline, « Le patrimoine militaire sur la scène urbaine : les processus de reconversion des sites militaires à Metz ». Revue Géographique de l'Est vol. 54 / n°3-4 | 2014, mis en ligne le 11 février 2015


Contributeur

David Vodisek, IA - Inspecteur Pédagogique Régional, Académie de Nancy-Metz