Au 2.000 km à la pointe méridionale de l’Inde se trouve en plein océan Indien l’archipel des Chagos. S’il est sous souveraineté britannique, ce territoire à bail est cédé aux Etats-Unis. Diego Garcia, l’île principale, accueille en effet une des principales bases militaires étasunienne dans le monde. Elle permet de contrôler les grandes routes maritimes entre l’Europe, l’Afrique et l’Asie. Mais surtout, elle représente des capacités exceptionnelles de projection aéronavale vers l’Afrique de l’Est, le Moyen-Orient, l’Asie du Sud et l’Asie du Sud-Est. Si en mai 2019 l’Assemblée générale de l’ONU demande la restitution de l’archipel à la République de Maurice, Londres et Washington prolongent en 2016 leurs accords jusqu’en 2036. En effet, face à l’émergence de nouvelles puissances navales (Chine, Inde) et à l’exacerbation des tensions géopolitiques (Iran, Syrie, Israël, A. saoudite…), l’importance géostratégique de Diego Garcia a rarement été aussi grande aux yeux du Pentagone.
Légende de l’image satellite
Cette image de Diego Garcia, un atoll de l'archipel des Chagos dans l'océan Indien, a été prise par le satellite Sentinel 2B le 30 mars 2019. Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.
Ci-contre, la même image satelitte issue de Sentinel-2B, présente le zoom d'étude présenté plus bas. Celle dessous présente qulques repères géographiques de la région.
Contient des informations © COPERNICUS SENTINEL 2019, tous droits réservés.
Zoom d'étude
Repères géographiques
Présentation de l’image globale
Diego Garcia dans les Chagos : un confetti insulaire, un héritage impérial britannique et une base aéronavale géostratégique étatsunienne
Le grand privilège d’une île-atoll : un des plus beaux mouillages naturels de l’océan Indien et sans réelle menace cyclonique
Comme le montre l’image, nous sommes au dessus d’une île, Diego Garcia. A l’échelle de l’océan Indien, c’est un petit confetti fort exigu puisque sa superficie totale est d’environ 40 km². Sa forme est allongée, en forme de huit. Du nord au sud, de Middle Island à South Point, l’île mesure seulement 25,6 km de long et 8,5 km de large à la hauteur de la base navale, 5 km dans sa partie la plus resserrée plus au sud. Mais cette île est un atoll, car nous sommes là dans des mers chaudes, juste sous l’équateur (7°18' Sud, 72°24' Est).
En conséquence, sa couronne corallienne - qui émerge sous nos yeux - ne représente que 27 km² de surface utile pour l’implantation des activités humaines. Son épaisseur est très variable : sa largeur maximale est de 3 km, mais parfois seule la route peut passer tant l’île est étroite de seulement quelques centaines de mètres. De plus, le point culminant est à seulement 6 m. d’altitude et l’altitude moyenne de l’île est à 1,5 m, donc au ras de l’eau. Dans ce contexte, la terre ferme hors de l’eau est rare et a fait l’objet de profonds aménagements, bien visibles sur l’image, en particulier au nord-est de l’île.
Par contre, le lagon – ou la dépression centrale et la surface d’eau comprise au sein du récif barrière – est immense. Dans sa partie la plus large, il peut atteindre les 10 km. Comme le montre bien l’image, il est composé de trois grands bassins emboités et de profondeurs de plus en plus importantes, du sud vers le nord. Ce qui explique ses différences de couleurs, du vert jade au bleu profond.
Au nord, une passe relativement large donne accès à un bassin de 31 m de profondeur, dénommé Anchorage Area. Par sa taille et sa profondeur, le lagon de Diego Garcia dispose donc d’une belle capacité de mouillage. Elle permet l’accueil de navires de gros tonnages, y compris les porte-avions ou les sous-marins à propulsion nucléaire.
Diego Garcia est donc un des plus grands et des plus beaux mouillages naturels de l’océan Indien. Ce privilège explique le déploiement d’une importante base aéronavale et la présence de sept navires importants à l’ancre dans le lagon. Enfin, autre privilège non négligeable : du fait de sa grande proximité avec l’équateur, l’archipel ne connaît quasiment pas le passage de cyclones, souvent dévastateurs dans les zones à risque.
Diego Garcia : la plus grande île de l’archipel des Chagos dans l’océan Indien
L’île de Diego Garcia est en fait la plus grande île d’un ensemble beaucoup plus important qui se développe au nord, sur 350 km nord/sud : l’archipel des Chagos. C’est un vaste système composé de sept atolls principaux, comprenant environ 60 îles et îlots, dont Greet Chagos Bank, Peros Banhos, Salomon Islands, Bleenheim Reef ou Speakers Bank. L’archipel représente environ une superficie totale de 60 km² de terres fermes, dont la moitié pour la seule île de Diégo Garcia donc. Cette structure géographique se traduit par une importante Zone Economique Exclusive de 636 600 km² de surface maritime.
Pour comprendre la présence de cette île et de cet archipel en plein océan Indien, il faut faire appel à la tectonique des plaques. L’archipel des Chagos appartient en effet à la grande dorsale de la chaîne sous-marine qui se déploie au sud-ouest de l’Inde sur environ 3000 km. Elle comprend du nord vers le sud les îles Laquedives (Inde), les Maldives et enfin les Chagos.
Nous sommes ici dans la partie septentrionale de l’océan Indien, dans un archipel qui présente une double caractéristique, stratégiquement très avantageuse.
Premièrement, il est très isolé, donc facilement contrôlable pour ses accès et défendable. Vers l’ouest, les Seychelles se trouvent à 1800 km, puis au delà la Somalie et les côtes de l’Afrique à 2700 km. Vers le sud-ouest, l’île Maurice se trouve à 2100 km et Madagascar à 2350 km. Vers le nord, Mahé, la capitale des Maldives, se trouve à 1100 km et la pointe méridionale de l’Inde à 2000 km. Plus loin encore, Oman est à 3300 km, l’Indonésie – c’est-à-dire plus exactement le nord de Sumatra - à 3200 km et l’Australie à 5200 km.
Mais, deuxièmement, il est dans l’Océan Indien en position centrale et permet d’accéder à l’Afrique orientale, à la péninsule arabique et au Golfe persique, à l’Asie du Sud et à l’Asie du Sud-Est assez facilement… A condition bien sur cependant de disposer des capacités navales et aériennes de projection adéquates (porte-avion, avions lourds et bombardiers à long rayon d’action, avions ravitailleurs en vol pour le kérosène…).
De la Routes des Indes, à la décolonisation et à la Guerre froide : le passage de relais entre puissances impériales occidentales
En pleine mer, les Chagos constituent une escale sur les routes maritimes de l’océan Indien. C’est pourquoi l’archipel fut utilisé ou occupé successivement par les Portugais, les Hollandais (1598/1710), les Français (1710/1814) puis les Britanniques depuis 1814. Au XIXème siècle et jusque dans les années 1960, l’océan Indien devient un véritable « lac britannique », entre les Indes, qui constituent le joyau de l’Empire, le Moyen-Orient, l’Afrique orientale et Singapour, la Reine des détroits. Marginal et sans ressources autres que la pêche locale et un peu de coprah, l’archipel des Chagos joue alors un rôle totalement mineur et est administrativement rattaché aux Seychelles (1814/1903) puis à l’île Maurice.
Tout bascule entre la Seconde Guerre mondiale et les années 1960. Avec la décolonisation (indépendance de l’Inde en 1947, conférence de Bandung d’avril 1955, montée du nationalisme arabe et Crise de Suez de 1956 qui coupe le canal de nov. 1956 à avril 1957…) et la Guerre froide (Guerre de Corée de 1950/1953, crise de Cuba de 1962…). C’est dans ce contexte général explosif que s’effondrent ou se délitent les grands Empires occidentaux : britannique, français, belge, néerlandais ou portugais.
Mais quant on attaque l’Empire, l’Empire contre-attaque, comme il peut. Dès la décennie 1950, Londres et Washington, liés depuis 1941 par une « relation spéciale », cherchent à de doter de points d’appui géostratégiques à des milliers de kilomètres de leurs bases, selon d’ailleurs un vieux modèle britannique éprouvé (cf. Route des Indes avec les bases de Gibraltar, Malte, Chypre, Suez, Aden).
Dans le Pacifique, en Asie et dans l’océan indien, le retrait impérial britannique va être compensé par l’engagement croissant des Etats-Unis. Rappelons ainsi qu’en 1968, le 1er Ministre britannique Harold Wilson, pour des raisons essentiellement financières, annonce le retrait de toutes les forces britanniques, en particulier bien sur la Navy, présentent « à l’est de Suez » pour 1971. C’est dans ce contexte que la trajectoire géopolitique des Chagos peut être analysée en géohistoire comme le passage de relais entre puissances impériales occidentales, entre Londres et Washington.
La négociation secrète entre Londres et Washington : l’île contre l’arme atomique
Mais entre 1945 et 1960, un nouveau paramètre géostratégique à totalement bouleversé les grands équilibres géopolitiques mondiaux depuis Nagasaki et Hiroshima : l’arme atomique. De sa possession dépend largement le statut de puissance d’un pays dans l’arène internationale comme l’indique la succession des premiers essais : 1945 aux Etats-Unis, 1949 en URSS, 1952 au Royaume-Uni, 1960 en France et 1964 en Chine.
Pour l’avenir de Diego Garcia, les accords politico-stratégiques secrets de 1961 entre le 1er Ministre britannique Harold Macmillan et le Président John Fitzgerald Kennedy sont déterminants. L’enjeu au total est assez simple : l’île contre l’arme atomique. En échange de l’accès à l’arme nucléaire stratégique (achat de sous-marins et missiles Polaris) aux Etats-Unis, Londres accepte que les Etats-Unis y disposent d’une base aéronavale.
Mais, lucide sur les bouleversements du monde, Washington y met deux conditions impératives : que ce territoire britannique ne soit pas susceptible à l’avenir d’être l’objet d’une décolonisation, qu’il soit vide de toute population. Londres va donc s’attacher à remplir au mieux ces deux exigences essentielles. En séparant juridiquement et administrativement les Chagos de l’île Maurice en créant un BIOT; en expulsant sa population afin de faire table-rase pour faciliter la construction de la nouvelle base.
Les Chagos : un Territoire britannique de l’océan Indien, ou British Indian Ocean Territory (BIOT)
Aujourd’hui, les Chagos sont administrativement et juridiquement un Territoire britannique de l’océan Indien (TBOI), ou British Indian Ocean Territory (BIOT) en anglais. C’est à la fois la dernière colonie créée par Londres en 1964 et le dernier confetti de l’Empire britannique de l’océan Indien, contrairement par exemple au Bassin caraïbe dans lequel les territoires de la Couronne demeurent encore nombreux. Sur un plan juridique, l’opération visant à assurer la militarisation de Diego Garcia afin de défendre les intérêts du monde occidental s’est déroulée en plusieurs étapes à partir de la décennie 1960.
En novembre 1964, Londres créé le TBOI. Celui-ci regroupe les Chagos et trois îlots (Aldabra, Desroches et Farquhar) proches de Madagascar. Il se retrouve sous contrôle administratif du gouvernement britannique des Seychelles, selon le vieil adage diviser pour régner en jouant sur les potentielles rivalités entre Seychelles et île Maurice.
Le 8 novembre 1965, Londres sépare l’archipel des Chagos de l’île Maurice, contre une indemnité de 3 millions de livres sterlings.
Le 30 décembre 1966, le 1er traité anglo-étatsunien signé à Londres organise la cession à bail aux Etats-Unis de l’île de Diégo Garcia pour 50 ans, donc jusqu’en 2016. Ce dispositif constitue une cession de territoire sans transfert de souveraineté. En 2016, ce bail est prorogé pour encore vingt ans, assurant donc une présence étatsunienne jusqu’en décembre 2036.
Si le 12 mars 1968, Londres accorde son indépendance à l’île Maurice, ce sera sans le TBOI, donc les Chagos et Diego Garcia qui restent sous souveraineté de la Couronne. En parallèle, entre 1967 et 1973, les 2000 Chagossiens sont expulsés des trois îles habitées - Diego Garcia (1.400, soit 70 %), Salomon et Peros Banhos - vers l’île Maurice ou les Seychelles.
Enfin, le 28 juin 1976, les Seychelles deviennent à leur tour indépendantes : Londres leurs rétrocède les îlots Aldabra, Desroches et Farquhar, jugées de peu d’intérêt. Par contre, le BIOT devient alors un territoire auto-administré directement rattaché au Bureau Afrique de l’Est du British Foreign Office de Londres.
Une base aéronavale géostratégique : des capacités de projection exceptionnelles, un maillon du réseau d’espionnage mondial Echelon
Autorisés par le traité bilatéral du 30 décembre 1966, les travaux de construction commencent en mars 1971. Les défis techniques et les difficultés logistiques sont en effet considérables : du fait de son isolement, il faut tout faire venir de l’extérieur, souvent de très loin : matériaux, matériels, équipements, personnels, énergie, alimentation, eau… Au total, comme on peut le constater sur l’image, la structure de l’île va être profondément bouleversée et transformée par ces immenses travaux.
L’objectif est de créer de toute pièce une base aérienne de premier rang dotée d’une piste d’atterrissage assez longue (4 km) pour accueillir des bombardiers stratégiques à long rayon B-52, des avions de surveillance électronique AWACS ou des avions de patrouille maritime. Et dans le même temps de construire une base navale (digues, jetée de 250 m. de long, bâtiments…) capable d’accueillir les grosses unités en service (porte-avion, sous-marin à propulsion nucléaire).
Au total, il faudra attendre une vingtaine d’années – soit 1986 - avant que Diego Garcia ne devienne une base aéronavale totalement opérationnelle au prix d’au moins trois milliards de dollars d’investissements. D’autant qu’au fil du temps (cf. accords Nixon/Heath du 15 dec. 1970, traité du 24 oct. 1972…), la base va être transformée en complexe aéronavale de première importance. Les travaux successifs de renforcement et de modernisation se font en particulier au gré des chocs géopolitiques et géostratégiques continentaux et mondiaux (chute de Saigon en 1975, révolution iranienne de 1979…).
Diego Garcia va ainsi être équipée d’une station commune anglo-étatsunienne de télécommunications par satellites. Aujourd’hui, quatre grands systèmes de stations de surveillance et relais satellite y sont installés : GEODSS, GPS, ART et Réseau Echelon.
Concernant le réseau Echelon, Diego Garcia joue un rôle essentiel dans l’espionnage au profit de la NSA et des services de renseignement étatsuniens des grands réseaux de télécommunication par satellites dans le cadre de l’alliance signée entre les Etats-Unis, le Royaume-Uni, l’Australie, le Nouvelle Zélande et le Canada. Elle constitue en effet un maillon essentiel de la chaîne mondiale de stations d’écoute entre les bases australiennes et les îles de l’Atlantique Sud.
La base accueille selon le contexte opérationnel environ 2500 à 3500 personnels, militaires et civils, de l’US Air Force, l’armée de l’air, et de l’US. Navy, la marine américaine. Le tout est complété par environ 50 militaires britanniques, soit 1,5 % du total du personnel présent, dont l’attaché militaire représentant le Bureau Afrique de l’Est du British Foreign Office.
En temps de paix, elle a surtout un rôle de renseignement et de soutien logistique avec le pré-positionnement de matériels et d’équipements (stocks de nourriture, munitions…). Les dépôts du Pacific Air Forces War Reserve Materiel ont ainsi été récemment modernisés. En période de tensions ou de conflit, ce super porte-avion peut accueillir des bombardiers B-52, B-1 ou B-2 pouvant couvrir l’Asie du Sud-Est, l’Asie du Sud (Inde, Pakistan), l’Asie centrale (Afghanistan), le Proche et Moyen-Orient (Iran, Irak) et l’Afrique de l’Est (Erythrée, Somalie) et les grands verrous géostratégiques (détroit d’Ormuz, détroit de Bad el-Manded).
Diego Garcia : une base d’intervention dans les conflits contemporains les plus stratégiques
Cette installation d’une base militaire aéronavale anglo-étasunienne en plein océan Indien vise à assurer la liberté de navigation et la défense, des intérêts géopolitiques et géoéconomiques anglo-saxons, en premier lieu étatsuniens. De la Guerre froide à aujourd’hui, Diego Garcia a joué un rôle géostratégique majeur du fait des capacités de projection exceptionnelles qu’elle permet en pouvant accueillir de dizaines de navires et des centaines d’avions.
Dans les années 2000, Diego Garcia est ainsi largement mobilisée lors des interventions militaires des Etats-Unis durant la 1er Guerre d’Irak de 1990 lors de l’opération « Tempête du Désert », puis lors de l’invasion de l’Afghanistan en 2001/2002 durant l’opération « Liberté immuable » et enfin lors de la 2em Guerre d’Irak en avril 2003 avec l’invasion du pays et le renversement du régime de Saddam Hussein. En janvier 2020, dans le cadre de la montée des tensions dans le Golfe persique et avec l’Iran, la base de Diego Garcia accueille ainsi en renfort six bombardiers de l’US Air Force.
Au total, Diego Garcia appartient pour le Pentagone au filet des nombreuses bases - San Diego, Hawaï, Guam, Japon, Corée du Sud, Australie et Djibouti - qui couvre la région Indo-Pacifique, réunissant l’océan Pacifique et l’océan Indien. Elle est de plus à la charnière géographique entre les deux grands commandements continentaux, l’US Indo-Pacific Command et l’lUS Africa Command.
Un litige de souveraineté vieux de 50 ans : le camouflet de l’ONU de mai 2019
Du fait des rapports de forces géopolitiques, le gouvernement de Port-Louis, la capitale de l’île Maurice, et les habitants chassés de chez eux ont été impuissants à faire reconnaître leurs droits face à cet acte de spoliation. Malgré le lancement de nombreuses procédures judiciaires depuis les années 1975/1980. Ainsi, en novembre 2016, la justice britannique donne gain de cause à Londres pour le dépeuplement de l’archipel. Mais le 3 novembre 2000, la Royal High Court of Justice de Londres reconnait que le déplacement des populations était illégal.
Les choses bougent cependant considérablement en 2017/2019, Londres accumulant les revers diplomatiques. En juin 2017, l’Assemblée générale de l’ONU, c’est-à-dire les représentants des Etats souverains composant l’arène internationale, décide de saisir la Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye – qui constitue la plus haute instance juridique internationale – par 95 voix contre 15 et 65 absentions. Fait notable, de nombreux Etats européens se réfugient dans l’abstention (France, Italie, Allemagne...).
Sur requête de l’île Maurice, la Cour internationale de justice (CIJ) de la Haye désavoue le Royaume-Uni. Après avoir examiné à partir du 3 septembre 2018 le différent entre les deux parties, elle produit un avis uniquement consultatif et non contraignant, mais d’un poids politique et moral considérable : Londres doit mettre fin « dans les plus brefs délais » à son administration des Chagos, le Royaume-Uni ayant « illicitement » séparé les Chagos de l’île Maurice en 1965. En particulier, "« La Cour considère que ce détachement n’a pas été fondé sur l’expression libre et authentique de la volonté du peuple concerné ».
Le 22 mai 2019, l’Assemblée générale de l’ONU vote à la majorité de 116 Etats une motion demandant la restitution de l’archipel des Chagos à la République de Maurice. Seulement six pays votent contre, le Royaume-Uni, les Etats-Unis, l’Australie, Israël, les Maldives et la Hongrie, et 56 Etats s’abstiennent. Aujourd’hui, les Chagossiens constituent une communauté de 8500 personnes, avec leurs conjoints et leurs descendants nés à Maurice, aux Seychelles ou à Londres.
Le zoom d’étude
La base aéronavale de Diégo Garcia :
de fortes contraintes de site
L’image du zoom couvre l’ensemble de l’espace s’étendant d’Eclipse Point à l’extrémité de l’ile vers Middle Island et la passe, à Marianne Point au bout de la zone aéroportuaire. Nous sommes là au cœur de la base aéronavale. Les contraintes de site apparaissent clairement sur l’image. Dans cette partie de l’ile pourtant la plus large, le manque d’espace pour le déploiement des infrastructures est manifeste. Les infrastructures sont donc collées les unes aux autres, constituant un long chapelet de cellules fonctionnelles spécialiséss.
La longue piste de l’aérodrome militaire va de chaque coté jusqu’à la mer. Et la très vaste esplanade permettant l’accueil et le parking des avions de combat occupe une place considérable. Enfin, les installations elles même sont organisées en deux pôles distincts, Southapron le long des pistes et Northapron plus proche de la base navale.
La base navale est constituée d’un bassin de forme carré assez profond, comme l’indique sa couleur, afin de pouvoir accueillir des navires au tirant d’eau important. Sa création a donc nécessité d’importants travaux d’aménagement pour les infrastructures de base : surcreusement et remblayage, création d’une digue de protection, de quais soit sur le bassin intérieur, soit ouverts directement sur le lagon, et de terre-pleins. Sur le lagon, le profil a été rectifié entre la jetée qui s’avance dans les eaux en forme de L et le long quai d’accostage. Ces aménagements permettent, comme l’image aide à le constater, une navigation de manoeuvre et d’approche plus facile des navires de gros tonnage qui sont à l’ancre dans les eaux les plus profondes du lagon. L’ensemble est complété par d’importants dépôts de carburants pour les navires et les avions, des entrepôts, locaux de services techniques et de commandement.
Enfin, la pointe occidentale accueille elle aussi deux fonctions importantes. La base-vie, ou le cantonnement, qui loge une large partie du personnel permanent, avec les services adéquats à des séjours de plus ou moins longue durée. Et des installations de télécommunication dont nous avons vu l’importance géostratégique.
Image prise par un satellite Pléiades, 6 février 2019.
En savoir plus sur les satellites Pléiades
(C) Contient des informations PLEIADES © CNES2019, Distribution Airbus DS, tous droits réservés.
Repères géographiques
Documents complémentaires
Carte
Diego Garcia, une base américaine stratégique dans l’océan Indien.
(source : Jean-Loup Samaan, Revue Hérodote, n°145/2/2012. - Téléchargeable en accès libre et gratuit )
Ressources complémentaires du site Géoimage
Cuba / Etats-Unis - Guantanamo : une base étatsunienne au rôle géostratégique au cœur de la Méditerranée américaine
Guam, une île du Pacifique au rôle géostratégique majeur pour la puissance étatsunienne
Hawaï - L’île d’Oahu et la base aéronavale de Pearl Harbor, un site névralgique pour la puissance étatsunienne en Asie-Pacifique
Diego Garcia : Base américaine stratégique dans l'Océan Indien
Sources et bibliographie
Jean-Loup Samaan : « L’océan Indien, laboratoire de la géographie militaire américaine », revue Hérodote, n°145, numéro thématique « Géopolitique de l’océan Indien », 2/2012.
André Oraison : « Diego Garcia : enjeux de la présence américaine dans l’océan Indien », revue Afrique contemporaine, n°207, 3/2003.
André Oraison : « Histoire et actualité de la base militaire de Diego Garcia. Les circonstances de la création et de la militarisation du British Indian Ocean Territory (BIOT) », revue Outre-Mers, n°348-349/2005.
Site officiel du BIOT (en anglais)
Laurent Carroué : Atlas de la mondialisation. Une seule terre, des mondes, collection Atlas, Autrement, Paris, 2020.
Laurent Carroué : Géographie de la mondialisation. Crises et basculements du monde, collection U., Armand Colin, Paris, 2019.
Contributeur
Laurent Carroué, Inspecteur Général de l’Education nationale