Samoa américaines. L’île de Tutiuila et Pago Pago dans le Pacifique Sud

L’île de Tutuila est la principale de l’archipel des Samoa américaines, le moins peuplé des territoires d’outre-mer des États-Unis. Passé sous leur souveraineté par un arbitrage colonial à la fin du XIXe siècle, sa base économique est faible et sa population dépend principalement des transferts financiers de la métropole. En échange ces îles donnent aux États-Unis une précieuse ZEE dans le Pacifique Sud et un utile relais pour leurs câbles sous-marins en plein milieu de l’océan Pacifique

 

Légende de l'image

 

Cette image de l'île Tutuila, l’île principale des Samoa américaines, a été prise le 6 mai 2020 par le satellite Sentinel-2A.  Il s’agit d’une image en couleurs naturelles de résolution native à 10m.

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Repères géographiques

 

 

 

Présentation de l'image générale

Le territoire le plus méridional des États-Unis

Les Samoa américaines sont un petit groupe d'îles du Pacifique Sud qui compte cinq îles volcaniques (Tutuila, Ta'u, Ofu, Olosega, Aunu'u et Nu'utele) et deux atolls coralliens, les îles Swains et Rose, située plus au nord. Elles sont les parties émergées d’une chaîne de reliefs sous-marins, « proches » - à l’échelle du Pacifique – de Wallis et Futuna, un peu plus de 540 kilomètres, mais à environ 3.700 km de Hawaï. Elles sont situées à l'est de la ligne internationale de changement de date tandis que les Samoa sont à l'ouest de celle-ci.

Leur superficie totale est de 199 kilomètres carrés, un peu plus de deux fois celle de la ville de Paris. C’est le territoire le plus méridional des États-Unis, l'un des deux seuls situés au sud de l'équateur, avec l'île inhabitée de Jarvis, et le moins peuplé hors les îles et atolls inhabités. Leur population en 2021 est de 46.366 personnes, vivant pour 97 % d’entre eux sur la plus grande île, Tutuila (à l’image). Près de 90 % sont des Samoans, 3,7 % sont d'autres îles du Pacifique, 3,6 % asiatiques, 2,7 % d’origines mixtes et 1,2 % d'autres origines.

Juridiquement, les Samoa américaines ont le statut de territoire depuis 1900. Les personnes nées aux Samoa américaines sont ressortissantes, mais pas citoyennes, des États-Unis. Ainsi, environ 65 % de la population sont des ressortissants américains, mais moins de 10% sont citoyens américains.

Les héritages de la géohistoire : un enjeu de domination coloniale

Le contact avec les Européens n’a commencé qu’au début du XVIIIe siècle. Le Néerlandais Jacob Roggeveen fut le premier à apercevoir les îles Samoa en 1722, suivi de l'explorateur français Louis-Antoine de Bougainville qui les nomma « Îles des Navigateurs » en 1768. La visite de La Pérouse en 1789 tourna mal, un affrontement lors d'une expédition de collecte d'eau à Tutuila aboutit à la mort de son commandant en second et de plusieurs membres de son équipage, et La Pérouse a nommé l'île « Île du Massacre » et une baie est toujours appelée Massacre Bay.

Les îles, explorées vers 1800, sont rapidement devenues un enjeu de domination coloniale entre Grande-Bretagne, États-Unis et Allemagne. À la fin du XIXe siècle, les navires français, britanniques, allemands et américains y faisaient régulièrement escale, car ils appréciaient le port de Pago Pago comme station de ravitaillement en charbon et comme base pour la pêche à la baleine. La conférence de Samoa du traité de Berlin de 1889 avait établi un territoire neutre sous protectorat conjoint - ou condominium - des trois puissances.

Mais des chefs de tribus combattaient fréquemment entre eux et contre le pouvoir en place et une crise aigüe avait éclaté à la mort d’un roi élu par les tribus car les Allemands soutenaient un héritier différent de celui appuyé par les Anglais et les Américains. En mars 1889, un groupe naval de la marine impériale allemande était entré dans le port d'Apia et trois navires de guerre américains se préparaient à les attaquer. Mais avant même que des coups de canon ne soient tirés, un typhon avait endommagé les navires américains et allemands, les obligeant à un armistice.

Le sort des îles fut décidé par un traité tripartite signé entre l'Empire allemand, le Royaume-Uni et les États-Unis à Washington, le 2 décembre 1899. Il divisait en deux les îles Samoa : la partie occidentale des Samoa devint protectorat allemand et la partie orientale attribuée aux États-Unis. L'Empire britannique, dans le contexte international tendu par la guerre des Boers, renonça à ses droits sur les îles, mais obtint en échange les droits allemands sur les îles Tonga, ce qui lui permit d'y établir une base de ravitaillement de charbon pour ses navires et d'y jouir de l'extraterritorialité.

Une économie insulaire limitée : le rôle de la pêche

L'agriculture et la pêche assurent toujours la subsistance des familles locales. La mise en conserve du thon et les entreprises auxiliaires locales ont un temps été la base de l'économie, la première conserverie ayant été ouverte en 1954. En 1993, Pago Pago était le quatrième transformateur de thon au monde, exportant environ 445 millions de dollars de thon en conserve vers le continent américain.

Aujourd’hui la seule conserverie de thon encore en activité est StarKist, une filiale du géant agroalimentaire H.J. Heinz, qui exporte chaque année plusieurs centaines de millions de dollars de thon en conserve vers les États-Unis. L'autre conserverie de thon était Samoa Packing, mais elle a fermé en 2009 et ses 2.041 employés ont été licenciés en raison de la hausse du salaire minimum accordé aux Samoans américains.

Au milieu des années 1960, des efforts ont commencé pour développer le tourisme. Ces efforts ont été handicapés par des problèmes tels que des services aériens incohérents, des hébergements de qualité insuffisants et le manque de travailleurs bien formés.

Les fonctions militaires et stratégiques

Les îles gardent une fonction militaire et stratégique. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les Marines américains stationnés aux Samoa étaient plus nombreux que la population locale. Les eaux de la ZEE et l'aéroport international de Pago Pago ont eu une importance historique avec le programme Apollo, les équipages d'astronautes de cinq missions Apollo ont été récupérés à quelques centaines de kilomètres de Pago Pago et transportés par hélicoptère jusqu'à l'aéroport avant d'être transportés à Honolulu.

Les Samoa américaines sont réputées pour avoir le taux d'enrôlement militaire le plus élevé de tous les États ou territoires américains. Ainsi, en 2014, la station de recrutement locale de l'armée américaine à Pago Pago a été classée première sur les 885 stations et centres de recrutement de l’United States Army Recruiting Command.

L'emploi sur l'île se divise donc aujourd'hui en trois catégories de taille à peu près égales, d'environ 5 000 travailleurs chacune : le secteur public, la conserverie de thon restante et le reste du secteur privé. Le poisson en conserve, la nourriture en conserve pour animaux de compagnie et la farine de poisson à base de peau et d'os représentent 93 % de la production industrielle, tandis que les dollars fédéraux entrent dans l'économie par le biais de crédits du Congrès, de subventions catégorielles, de paiements de sécurité sociale et de pensions versées aux Samoans retraités de l'Armée. En échange ces îles donnent aux États-Unis une précieuse ZEE dans le Pacifique Sud et un utile relais pour leurs câbles sous-marins.

 

D’autres ressources

Le réseau des territoires et bases sous contrôle ou souveraineté des États-Unis outre-mer : affirmation et projection de puissance (en lien avec le site Géoconfluence de l’ENS de Lyon)

Système caraïbe

Hervé Théry : États-Unis. Antilles. Les Iles vierges des États-Unis, héritage colonial et destination touristique dans les Caraïbes
/geoimage/les-iles-vierges-des-etats-unis-heritage-colonial-et-destination-touristique-dans-les

Hervé Théry : Porto Rico, « État associé » à forte présence militaire.
/geoimage/porto-rico-etat-associe-forte-presence-militaire

Laurent Carroué : Cuba/États-Unis : Guantanamo : une base étasunienne au rôle géostratégique au cœur de la Méditerranée américaine.
 /geoimage/cubaetats-unis-guantanamo-une-base-etatsunienne-au-role-geostrategique-au-coeur-de-la

Système Indo-Pacifique/ Océan indien

Hervé Théry : États-Unis. Océan pacifique. Saipan et les Mariannes du Nord, petites îles et épisodes-clés de la géopolitique mondiale
/geoimage/les-iles-vierges-des-etats-unis-heritage-colonial-et-destination-touristique-dans-les

Laurent Carroué : Hawaï - L’île d’Oahu et la base aéronavale de Pearl Harbor, un site névralgique pour la puissance étatsunienne en Asie-Pacifique
/geoimage/hawai-lile-doahu-et-la-base-aeronavale-de-pearl-harbor-un-site-geostrategique-pour-la

Laurent Carroué : Guam - Une île du Pacifique au rôle géostratégique majeur pour la puissance étatsunienne
/geoimage/guam-une-ile-du-pacifique-au-role-geostrategique-majeur-pour-la-puissance-etatsunienne

Laurent Carroué : Océan indien : BIOT - Diego Garcia, une base aéronavale géostratégique pour les États-Unis
/geoimage/ocean-indien-biot-diego-garcia-une-base-aeronavale-geostrategique-pour-les-etats-unis

Bases complémentaires hors territoire sous souveraineté des États-Unis

Laurent Carroué : Japon. Okinawa : une île et un archipel au rôle géostratégique pour la projection de la puissance états-unienne en Asie
/geoimage/japon-okinawa-une-ile-et-un-archipel-au-role-geostrategique-pour-la-projection-de-la


Sur le site Géoconfluences
Hervé Théry : Les territoires ultramarins des États-Unis au cœur de la première ZEE mondiale
http://geoconfluences.ens-lyon.fr/informations-scientifiques/dossiers-regionaux/etats-unis-espaces-de-la-puissance-espaces-en-crises/articles-scientifiques/territoires-des-etats-unis

Contributeur

Hervé Théry, directeur de recherche émérite au CNRS-Creda - professeur à l'Université de São Paulo (PPGH-USP)