Publié le 13 septembre 2024

JUICE : la Terre et la Lune dans les yeux de MAJIS

  • Système solaire

Lors de son survol de la Lune et de la Terre les 19 et 20 août 2024, la sonde JUICE a pointé ses instruments optiques vers ces deux corps afin de collecter des données uniques pour les étalonner.
Plateforme sur laquelle est monté le télescope de MAJIS (OH), vue par la caméra de surveillance de JUICE lors de son survol rapproché de la Lune le 19 août 2024. © ESA

Parmi les données recueillies par JUICE lors de son survol au-dessus de la Lune et de la Terre, plusieurs observations ont été effectuées avec le spectromètre imageur de Jupiter et de ses lunes, MAJIS (Moons and Jupiter Imaging Spectrometer).

L'instrument MAJIS est un spectromètre imageur sensible dans la gamme spectrale 0,5-5,56 µm avec une résolution de 150 mètres à une distance de 1000 km, capable de fournir sur une cible un spectre avec 1016 « couleurs » indépendantes. Une partie de ces couleurs se situe dans le domaine visible, mais la plupart d'entre elles se situent dans l'infrarouge, une partie du domaine spectral qui est invisible pour l'œil humain. 
Les spectres d’une cible donnée permettent de connaître sa composition et ses propriétés physiques. MAJIS est donc parfaitement adapté pour produire des cartes détaillées de la composition de la surface des satellites galiléens et de leur exosphère, mais aussi pour identifier les propriétés physico-chimiques de l'atmosphère de Jupiter.

Spectres extraits d'une observation de la Terre par MAJIS le 20 août 2024. © MAJIS team (IAS, INAF, CNES, ASI, ESA, and other international partners), 2024

Chaque pixel des images prises par MAJIS pendant le survol de la Terre contient un spectre riche en information sur la composition de l’atmosphère terrestre. Cela donne un avant-goût des performances de l'instrument pour l’identification de la composition des espèces atmosphériques de Jupiter.

 

Tester les performances de MAJIS

Les observations de la Lune et de la Terre effectuées pendant le survol de JUICE constituaient la meilleure opportunité pendant la phase de croisière pour tester les performances et valider l’étalonnage de MAJIS sur des cibles étendues, de taille similaire à ce qui sera attendu sur Jupiter pendant la mission nominale. De plus, la Lune et la Terre sont des objets très brillants qui nécessitent l'utilisation de modes d’acquisition particuliers notamment le fenêtrage pour éviter la saturation des détecteurs, une autre flexibilité importante de l'instrument MAJIS.

Le spectromètre et les deux détecteurs sont refroidis passivement à l'aide de radiateurs thermiques tandis qu'un miroir de balayage placé à l'entrée du télescope peut être utilisé pour balayer la cible ou pour compenser le mouvement lorsque la vitesse relative entre MAJIS et la cible est trop élevée.

 

De la calibration... à la science !

Les mers et hauts plateaux lunaires dans le viseur

Image MAJIS infrarouge superposée à la carte lunaire NASA/USGS/SELENE. L'empreinte va des hauts plateaux lunaires (terrains plus clairs) à la mer de la Tranquillité (terrains sombres). © MAJIS team (IAS, INAF, LPG/Osuna, CNES, ASI, ESA, and other international partners), 2024

En plus de l'étalonnage, les observations de survol sont importantes d’un point de vue scientifique. MAJIS a permis de fournir une couverture locale de la surface lunaire jusqu'à environ 130 mètres de résolution spatiale, du visible à l'infrarouge thermique.

Image MAJIS RVB (rouge vert bleu) de la surface de la Lune éclairée de manière rasante par le Soleil (~130 m/pixel). © MAJIS team (IAS, INAF, LPG/Osuna, CNES, ASI, ESA, and other international partners), 2024
Zoom extrait de l'image précédente. © MAJIS team (IAS, INAF, LPG/Osuna, CNES, ASI, ESA, and other international partners), 2024

Il a été possible, par exemple, d'identifier l'émission thermique et les variations du flux solaire réfléchi par les mers, les hauts plateaux lunaires et de multiples cratères.

Spectre lunaire acquis avec les 2 canaux de MAJIS (visible et infrarouge) de la mer de la Fécondité. L'émission thermique est modélisée par un corps noir d'environ 320 K (47°C). © MAJIS team (IAS, INAF, CNES, ASI, ESA, and other international partners), 2024

La Terre vue par MAJIS, du côté nuit au côté jour

Image de la Terre prise par MAJIS le 20 août à 21h25 à une distance de 11 250 km. © MAJIS team (IAS, INAF, CNES, ASI, ESA, and other international partners), 2024

La région de la Terre représentée sur l'image ci-dessus était dans la nuit lors de l’observation. MAJIS peut détecter la lumière dans l'infrarouge thermique, ce qui lui permet de voir ce qui est invisible à l'œil humain ou une caméra visible. Une combinaison de fausses couleurs est utilisée pour mettre en valeur les différentes propriétés des nuages en termes de composition et de température.

 

Les observations par MAJIS de la Terre, pendant le survol de la Terre, sont composées d'un ensemble de cubes d'images hyperspectrales acquises à des résolutions spatiales à l'échelle du kilomètre, avec une résolution spectrale allant jusqu'à 3,6 nanomètres et couvrant différentes géométries solaires et d'observation (en partant du côté nuit pour aller vers le côté jour).

Images MAJIS dans l’infrarouge superposées à la Terre. © MAJIS team (IAS, INAF, LPG/Osuna, CNES, ASI, ESA, and other international partners), 2024

Un ensemble de masques a été développé permettant de distinguer les différentes compositions atmosphériques capturées par les mesures. MAJIS détecte également les émissions thermiques avec 5 vues spectaculaires du côté nuit.

Une série de 7 observations MAJIS successives sur les 19 acquises lors du survol de la Terre le 20 août 2024. © MAJIS team (IAS, INAF, LPG/Osuna, CNES, ASI, ESA, and other international partners), 2024

La première image à gauche ci-dessus (n°1) commence par l'observation du côté nuit et se termine par le jour sur Terre, ce qui correspond au passage du « terminateur », la ligne fictive séparant le jour et la nuit d’un corps céleste. Les variations de couleur sont dues à la présence de nuages et aux conditions d'illumination au-dessus de l'océan Pacifique. La taille des pixels est comprise entre 1,3 et 1,5 km.

L’océan Pacifique vu par MAJIS le 20 août à 21h36 depuis une distance de 8700 km. © MAJIS team (IAS, INAF, CNES, ASI, ESA, and other international partners), 2024

Ci-dessus, différentes longueurs d'onde ont été sélectionnées pour mettre en valeur la variabilité de la scène et de la composition. L'image en noir et blanc est acquise dans la longueur d'onde de l'infrarouge thermique, qui fournit une carte des températures de la région. Les taches sombres correspondent à des températures plus basses.

MAJIS a été développé par un large consortium de scientifiques et d'ingénieurs européens, avec deux contributions majeures de la France et de l'Italie, grâce au soutien de leur agence spatiale respective, le CNES et l'ASI. L’Institut d’astrophysique spatiale (IAS – Orsay- France) est responsable scientifique et technique de l’instrument, l’Istituto Nazionale di Astrofisica (INAF – Italie) étant co-responsable.

En savoir plus sur le rôle de la France dans la mission JUICE

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