Illustration du satellite Swot
Illustration du satellite Swot © CNES/Mira Productions, 2022

L'océan

Courants, tempêtes, zones poissonneuses… Véritable révolution, les prévisions océanographiques améliorent la sécurité et la pratique des professionnels de la mer. Ces « bulletins météo » de la mer sont réalisés grâce aux données satellites. Ces derniers sont aussi aux premières loges pour scruter les effets du changement climatique sur les océans.

 

Cartographie des océans, bulletins : la naissance de l’océanographie opérationnelle

« Demain, la canicule marine présente dans l’Atlantique Tropical Nord s’intensifie légèrement au centre du bassin. La canicule marine en mer des Caraïbes diminue en intensité, passant globalement de niveau fort à modéré. » Avez-vous noté la différence entre ce bulletin océanique et un bulletin météo classique ? Marins, pêcheurs et navigateurs sont les principaux intéressés : les bulletins océaniques leur permettent de naviguer au grès des courants pour limiter leur consommation de carburant, d’éviter les tempêtes ou encore d’identifier les zones de pêche les plus propices. Les prévisions sont fournies gratuitement et pour tous par l’organisme Mercator Océan International grâce aux satellites, qui réalisent une véritable cartographie des océans du globe. 

Hauteur des vagues, courants, température en surface, teneur en chlorophylle (un pigment vert caractéristique des plantes), sel : il est possible de mesurer une myriade d’informations depuis l’espace

En 2003, l’expérience internationale Global Ocean Data Assimulation Experiment (GODAE) est la première expérience d’océanographie opérationnelle. Cette nouvelle discipline vise à produire des bulletins océaniques en se basant sur une série de calculs (qu’on appelle modèles numériques) utilisant les observations satellites, sur terre et en mer. 

YouTube Lien vers la page YouTube
Carte illustrant les variations de température des océans à l’échelle mondiale
Grâce à l’océanographie opérationnelle, des prévisions de température de la surface des océans sont produites régulièrement © Mercator Océan International

Les satellites vigies des océans

Penchons-nous sur ces satellites qui scrutent les océans. Dans les années 70, c’est avec l’altimétrie – la mesure de la hauteur d’eau – que commence l’étude des océans par satellite (voir encadré ci-dessous). Les satellites altimétriques ont depuis été rejoints par de nombreuses missions auxquelles le CNES contribue.

Lancé en décembre 2022, ce satellite franco-américain, dont le CNES a assuré la maitrise d’œuvre, embarque un instrument de rupture technologique : le radar interférométrique KaRin développé avec la NASA. SWOT mesure une image de hauteur des océans avec une qualité exceptionnelle, à 10 cm près. Il recense également les stocks d’eau douce sur les continents.

Grâce au radar français SWIM et à l’instrument chinois SCAT, CFOSAT mesure la direction et la hauteur des vagues, ainsi que l’intensité et la direction des vents. En novembre 2023, il a contribué à évaluer la force de la tempête Ciaran en mer, offrant une meilleure prévision du phénomène avant qu’il ne touche terre. 

Ils sont les couteaux-suisses de l’océanographie opérationnelle. Les deux satellites Sentinel-3 embarquent trois instruments différents (un radar, un radiomètre imageur et un spectromètre imageur) et mesurent de nombreux paramètres de l’océan : hauteur, température de surface mais aussi la couleur, qui indique la concentration en chlorophylle-a caractérisant la quantité de phytoplancton (des organismes vivant en surface des océans) dans les eaux survolées.

Véritables photographes de l’espace, ces programmes fournissent des images en couleur très précises des océans : un détail de 70 cm peut être distingué sur les images Pléiades. De nombreux paramètres océaniques peuvent être distingués à l’œil nu, en l’absence de nuages : les fronts ou tourbillons formés par les courants de surface, les vagues, les glaces marines, les pollutions, les algues ou encore les fonds marins dans certaines zones côtières. 

Le bassin d'Arcachon vu par le satellite Sentinel-2
Les satellites d’imagerie optique fournissent de nombreuses informations sur les océans : courants, reliefs sous-marins, vagues, couleur de l’eau, etc. Ici Sentinel-2 capture le bassin d’Arcachon © Copernicus Sentinel Data, 2016

L’altimétrie spatiale, une véritable révolution

Pendant des siècles, les observations en mer ont révélé la complexité des phénomènes océaniques : saviez-vous que la mer est loin d’être plate ? Sa hauteur varie en fonction des courants marins, de la température, du relief sous-marin, des marées… De nouveaux instruments de mesure ont été imaginés, dont les outils spatiaux. Une multitude d’instruments ont été embarqués à bord des satellites, mais ce sont surtout les missions altimétriques qui ont révolutionné la connaissance des océans. Le principe est simple : installé sur un satellite à environ 1 300 km d’altitude, l’altimètre est un radar. Il émet un signal radar vers la mer, qui se reflète sur la surface de l’eau. L’antenne de l’altimètre reçoit l’écho radar et en déduit la distance entre le satellite et l’océan. Cela permet de mesurer sur tout le globe la hauteur de la surface de l’eau à moins de 1 cm, une précision inégalée. À la manière des cartes topographiques sur lesquelles on peut voir les reliefs à terre, les experts réalisent des cartes topographiques de la surface des océans grâce à l’altimétrie.  moyenne de l’océan, notamment Sentinel3A et B, Altika, Cryosat-2, HY2 et SWOT.

Les premiers satellites d’altimétrie radar ont été lancés dans les années 70, mais la première grande mission arrive en 1992 avec le satellite franco-américain TOPEX/POSEIDON. Rapidement, le niveau des océans se révèle être un paramètre clé du suivi du changement climatique. La relève sera assurée par la série de satellites JASON-1 (2001), JASON-2 (2008) et JASON-3 (2016), des satellites de référence pour le climat initié par le CNES et la NASA. La surveillance des océans est capitale, et les satellites ont malheureusement une durée de vie limitée :  c’est désormais la série de satellites Sentinel-6 qui a pris le relai, avec la mise en orbite du premier satellite fin 2020. Au-delà de ces missions de référence nécessaires pour suivre finement l’évolution du climat, de nombreux altimètres spatiaux mesurent l’échelle moyenne de l’océan, notamment Sentinel3A et B, Altika, Cryosat-2, HY2 et SWOT.

YouTube Lien vers la page YouTube

L’océan, premier régulateur du climat

Les satellites d’altimétrie spatiale ont révélé un constat alarmant : le niveau des mers monte de plus de 3 mm chaque année. En cause ? Le réchauffement climatique. Trois facteurs expliquent cette hausse : l’expansion thermique liée au réchauffement des eaux, la fonte des glaciers et celle des calottes polaires. 

L’océan est le premier régulateur du climat. Il stocke et redistribue d’énormes quantités de chaleur : il a absorbé à lui seul 93% de l’excès de chaleur dû au changement climatique induit par les activités humaines. Mais les mesures altimétriques montrent que la hausse du niveau marin s’accélère, et que des régions comme l’Océan Pacifique tropical sont plus touchées que d’autres. Et les scientifiques sont unanimes, comme en témoigne le dernier rapport du GIEC (Groupe intergouvernemental d’experts sur le climat) en 2023 qui utilise ces données.

Illustration du satellite Jason 3
Le satellite altimétrique Jason-3 embarque plusieurs instruments : un radar altimètre Poseidon-3B fourni par le CNES, un radiomètre micro-ondes AMR fourni par la NASA/JPL, et un triple système d'orbitographie précise (l'instrument DORIS du CNES) © CNES/ill./DUCROS David, 2013

L’océan tient un autre rôle majeur face au changement climatique : celui de puits de carbone. Le dioxyde de carbone (CO2), un gaz à effet de serre, est émis par les activités humaines dans l’atmosphère. Il est le principal contributeur au changement climatique : or l’océan stocke 20 à 30 % de ce carbone, réduisant ainsi l’impact de nos activités sur le climat. Cependant les sources et puits de CO2 sont encore mal connus à l’échelle de la planète. Pour pallier ce manque de données, la NASA a lancé en 2014 le satellite OCO-2. A l'horizon 2025, le CNES prendra la relève avec le lancement du premier satellite d’étude des flux de CO2 MicroCarb. Son objectif ? Suivre et caractériser les échanges de CO2, notamment entre l’atmosphère et les océans.

  • +3,6 mm/an

    La hausse actuelle du niveau marin

  • 3 milliards

    Le nombre d’humains dépendant des ressources marines (poissons, etc.)

La hausse du niveau des océans a de multiples répercussions, à la fois sur les communautés côtières et les écosystèmes côtiers : érosion des côtes, submersions permanentes et lors des évènements extrêmes, perte des mangroves, salinisation des réserves d’eau douce, perte de terres cultivables, etc. Les connaissances apportées par les missions spatiales documentent l’évolution du changement climatique, aident à convaincre les décideurs de l’urgence à réagir pour éviter un emballement climatique et à prendre des mesures afin d’en atténuer les effets.

YouTube Lien vers la page YouTube

Quizz

À terre et en mer, il existe des instruments de mesure du niveau des océans comme les marégraphes. Quels sont les avantages à le mesurer par satellite ?

A – Leur mesure est plus précise que celle des marégraphes.

B – Ils fournissent une vision complète et exhaustive.

C – Ils fournissent des données plus anciennes.

D – Les mesures par satellite s’affranchissent des vagues, contrairement aux marégraphes.

B : Les premiers marégraphes ont été installés bien avant les satellites : à Marseille, le marégraphe a été installé en 1883. Mais les marégraphes fournissent une mesure ponctuelle, impossible de les déployer partout sur les océans du globe ! Les satellites altimétriques sont les seuls instruments offrant des mesures globales et exhaustives du niveau des mers.